La Conférence sur la sécurité de Munich, devenue le rendez-vous annuel incontournable des penseurs et acteurs de la vie internationale, vient de se terminer en manifestant une exceptionnelle unité de l’Europe et des démocraties face à la guerre russe en Ukraine et à la remise en cause de l’ordre international par les autocraties.
On ne peut pas éviter de la comparer avec la conférence de Munich, tenue les 29 et 30 septembre 1938, à l’issue de laquelle, croyant éviter la guerre, le Royaume-Uni et la France, abusés par les mensonges d’Hitler, lui offraient le territoire des Sudètes, renonçaient à défendre un allié, laissaient le champ libre à l’expansionnisme nazi qui annonçait le Second Conflit mondial.
Au mépris de ses engagements, moins de six mois plus tard, en effet, le dictateur allemand envahissait la totalité de la Tchécoslovaquie et s’enclenchait le mécanisme infernal de la guerre. Pour Hitler, elle serait totale et, pour la première fois, les civils en seraient les cibles privilégiées, comme aujourd’hui en Ukraine.
Poutine n’a pas cessé de mentir effrontément à tout propos sur ses intentions comme ses actes. Il a osé affirmer n’avoir rien à voir avec Wagner, société militaire privée, qui désormais revendique son allégeance, ni avec les assassinats d’opposants à l’étranger, dans lesquels la justice a démontré son implication personnelle.
Après avoir garanti qu’il n’envahirait pas son voisin, il l’a fait sans scrupule, après avoir inventé de toute pièce les prétextes les plus faux, ce que vient d’ailleurs de confirmer officiellement son inspirateuOccidentaux d’alors, le fameux « mage du Kremlin », Vladislav Sourkov. Etc, etc.
Chacune de ses déclarations, relues avec le recul, démontre un niveau de duperie et de mensonges rapidement démentis par les faits.
Nous avons donc affaire au même type de dictateur paranoïaque, ivre de sa supposée puissance, que rien ne pourra arrêter sauf la force.
La vraie différence tient à ce qu’ont montré en 2023 les alliés à Munich. D’abord une unité sans faille sur l’analyse de la situation et quant à la volonté de faire obstacle à ces menées criminelles.
Le « défi autocratique » a été identifié tel qu’il tente de se propager dans le monde.
Il concerne d’autres Etats, dont les chefs souhaitent rester au pouvoir en se démarquant des démocraties.
Le Parti communiste chinois explique à nombre d’apprentis dictateurs, par exemple en Afrique, qu’il ne mettra aucune condition à son soutien là où les Occidentaux, et spécialement les Européens, réclament le respect des droits de l’Homme, la transparence contre la corruption et le l’établissement de véritable Etats de droit.
D’ailleurs les personnalités présentes à Munich la semaine dernière ont réclamé que soient jugés les crimes commis par les Russes en Ukraine, du bas de l’échelle jusqu’aux responsables. La définition du « crime d’agression » devrait y gagner en clarté et la justice internationale en efficacité, notamment face à la véritable intention génocidaire de Poutine et de son armée.
Mais les représentants présents à Munich ces derniers jours ont aussi mesuré les conséquences de l’agression russe sur les relations internationales.
En jouant avec le nucléaire, Poutine a, de fait, relancé la prolifération ; en méprisant l’ONU, il a discrédité son statut de grande puissance et mis en danger la stabilité internationale ; en violant les frontières reconnues de son voisin il a ouvert la voie à beaucoup de révisionnistes prêts à faire de même ; en ignorant ouvertement les traités signés par son pays, il a incité d’autres satrapes à suivre son exemple ; en s’en prenant, une fois encore, aux civils, il a libéré les plus dangereux démons qui conduisent souvent à la guerre totale.
Les Occidentaux se sont révélés responsables pour deux, en refusant l’escalade, mais en soutenant un Etat agressé. Leur attitude ne doit pas être considérée comme de la faiblesse ; ils ne faibliront pas et leurs forces sont considérables.
Ils ont appris de l’histoire que de tenter d’apaiser de tels acteurs débridés, révisionnistes et menteurs c’était la voie tout tracée vers la guerre. Winston Churchill avait affirmé que les accords de 1938 étaient « une défaite sans guerre ».
L’esprit qui animait la conférence sur la sécurité, 85 ans plus tard, était tout autre, grave et sérieux. Seule la fermeté peut encore éviter un engrenage belliqueux bien connu sur le continent. L’Europe est unie comme jamais et déterminée à l’éviter. Elle ne peut pas se permettre de faiblir et, à la surprise de beaucoup, elle n’en a pas l’intention.