Les nationalistes écossais ont perdu la bataille de l’indépendance, au grand soulagement du premier ministre britannique, David Cameron, et des dirigeants de l’Union européenne, qui redoutaient une nouvelle crise politique. Il leur reste à gagner la bataille de la décentralisation. Le non au référendum du 18 septembre ne met pas fin au débat sur la place de l’Ecosse au sein du Royaume-Uni et sur le partage du pouvoir entre Londres et Edimbourg. Si les Ecossais obtiennent par la négociation ce qu’ils n’ont pas réussi à acquérir par le vote, on pourra considérer que la défaite du 18 septembre peut se transformer, au moins pour partie, en victoire. Certes il leur manquera le symbole de la souveraineté nationale que l’indépendance leur aurait apporté mais, pour le reste, la plupart de leurs demandes pourraient être satisfaites si David Cameron tient les promesses qu’il leur a faites pendant la campagne, au moment où le oui à l’indépendance semblait capable de l’emporter.
Les Ecossais bénéficient déjà, depuis une quinzaine d’années, de larges prérogatives en matière d’éducation, de logement, de santé, d’agriculture, d’environnement, de transport, d’environnement. Mais ils veulent davantage. Les pourparlers avec Londres devraient porter sur des questions aussi sensibles que la fiscalité et la protection sociale, ainsi que sur la répartition des dépenses publiques. Les Ecossais aspirent à une large autonomie, qui ne serait pas loin de ressembler à l’indépendance que les électeurs viennent de refuser, si l’on met à part la défense et la politique étrangère, appelées à demeurer sous le contrôle du Parlement britannique. Cette « devo max », ou dévolution maximale, comme on dit au Royaume-Uni, donnerait au Parlement d’Edimbourg des compétences étendues dont l’exercice pourrait répondre en partie aux aspirations des nationalistes écossais. Elle leur donnerait en tout cas l’assurance qu’ils ont été entendus et qu’à défaut d’indépendance (« le débat est tranché pour une génération », a déclaré David Cameron) ils ont obtenu de Londres la reconnaissance officielle d’une forte identité écossaise.
Vers une refonte institutionnelle totale
Ces changements passeront nécessairement par des réformes institutionnelles. Ils ne manqueront pas de provoquer des réactions auprès des trois autres « nations » qui composent le Royaume-Uni, à savoir l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. D’ores et déjà, au cours de la campagne, Nigel Farage, le chef de file des eurosceptiques britanniques, a accusé les indépendantistes écossais de semer « la haine anti-anglaise ». Combien de temps les Anglais pourraient-ils accepter de laisser les élus écossais au Parlement britannique légiférer sur les affaires du royaume, y compris celles de l’Angleterre, sans qu’eux-mêmes aient leur mot à dire sur les affaires de l’Ecosse ?
Il semble aller de soi que les avancées dont vont bénéficier les Ecossais devront concerner aussi les Anglais, les Gallois et les Irlandais du Nord. Dès lors c’est une refonte totale de l’organisation politique du Royaume-Uni qui se dessine. L’idée d’un fédéralisme britannique fait son chemin. Si elle était appliquée, elle introduirait un bouleversement dans le fonctionnement de l’Etat.
Le référendum écossais engage ainsi l’avenir du Royaume-Uni. Un an avant les élections législatives de 2015, conservateurs et travailleurs s’affrontent vivement sur les suites à donner au scrutin du 18 septembre. Le royaume est en ébullition. Le quotidien The Independant titrait samedi 20 septembre : « Le Royaume désuni ». Le même quotidien commente aussi la démission annoncée du premier ministre écossais, Alex Salmond, en jugeant que, malgré sa défaite, l’histoire retiendra peut-être son nom comme celui d’un vainqueur. Il se peut, ajoute-t-il, qu’une seconde chance soit donnée à l’Ecosse dans sa lutte pour l’indépendance. Alex Salmond restera comme celui qui aura changé la donne.