Les élections législatives anticipées annoncées par le premier ministre suédois, Stefan Löfven, n’auront pas lieu. Un accord a été trouvé entre la gauche au pouvoir et l’opposition de droite pour mettre fin à la crise politique provoquée par l’extrême droite. Celle-ci avait en effet mis en minorité le gouvernement social-démocrate en apportant son soutien au budget alternatif présenté, selon l’usage, par les partis de droite. Elle entendait protester contre la politique d’immigration menée par la gauche, jugée trop généreuse. Vainqueur des élections législatives il y a trois mois, le premier ministre avait choisi de revenir devant les électeurs dès mars 2015 pour tenter de surmonter le blocage créé par la percée des Démocrates de Suède (extrême droite), devenus la troisième force du pays et, selon le mot de son principal dirigeant, Jimmie Akesson, les « maîtres du jeu ».
En signant un « pacte de non-agression », la majorité et l’opposition empêchent les Démocrates de Suède de profiter de leur position d’arbitres pour interdire au premier ministre social-démocrate de continuer à gérer le pays à la tête d’un gouvernement minoritaire. Elles rendent ainsi possible l’adoption du budget pour 2015 et s’entendent aussi pour coordonner leurs politiques dans trois domaines-clés : la défense, l’énergie et les retraites. Cet accord, dit « accord de décembre », qui s’étend jusqu’à 2022, c’est-à-dire jusqu’au terme de deux législatures de quatre ans, a été aussitôt dénoncé par l’extrême-droite comme le signe d’une complicité coupable entre les partis de l’establishment. Elle annonce qu’elle demandera un vote de défiance dès le début de l’année 2015. Pour Stefan Löfven, le compromis conclu entre la gauche et la droite prouve que « la Suède peut être gouvernée malgré une situation parlementaire difficile ».
Un modèle pour d’autres pays européens ?
Au moment où le populisme progresse dans les pays nordiques, marqué par une hostilité croissante à l’égard de l’immigration et une forte méfiance envers l’Europe, l’union sacrée des principaux partis de gouvernement face à la montée de l’extrême-droite en Suède peut servir d’exemple aux autres pays tentés par le nationalisme et la xénophobie. Cela ne vaut pas seulement pour la Norvège, le Danemark ou la Finlande, atteints, à des degrés divers, par le phénomène, mais aussi pour d’autres Etats de l’Union européenne, à commencer par la France, où le Front national bouscule le système politique, dominé depuis le début de la Vème République par l’alternance entre la droite modérée et la gauche démocratique.
L’extrême-droite tend à devenir, dans plusieurs pays européens, la troisième force politique après les conservateurs et les sociaux-démocrates. Il lui arrive même de faire jeu égal avec les uns et les autres. A terme, cette évolution comporte le risque d’un blocage, comme vient de le montrer l’exemple suédois. En Europe du Nord, certains gouvernements conservateurs – au Danemark naguère, en Norvège aujourd’hui – ont choisi de s’allier avec leur extrême-droite. La droite suédoise a préféré l’option inverse, celle d’un accord avec un gouvernement de gauche. La question se serait posée aux sociaux-démocrates dans l’hypothèse d’une victoire des conservateurs : seraient-ils prêts à soutenir un gouvernement de droite pour priver l’extrême-droite de son pouvoir de nuisance ? En Suède comme ailleurs, le paysage politique change. Il oblige tous les partis à réviser leurs choix stratégiques.