La victoire de la droite hongroise aux élections législatives du 6 avril n’est pas une surprise, mais son ampleur, qui marque l’incontestable triomphe du premier ministre sortant, le charismatique Viktor Orban, invite à tirer quelques leçons du scrutin.
La première concerne, bien sûr, le plébiscite des électeurs hongrois en faveur de M. Orban, dont le parti, le Fidesz, recueille 44,5 % des suffrages et conserve surtout la majorité des deux-tiers au Parlement. Cette majorité lui a permis, au cours de la législature précédente, d’introduire d’importantes réformes institutionnelles destinées à assurer son pouvoir. Sa reconduction n’est pas seulement le signe de la large confiance accordée à M. Orban par une grande partie de la population. Elle donne aussi à celui-ci les mains libres pour continuer une politique qui le met en conflit quasi-permanent avec l’Union européenne.
La satisfaction du premier ministre, qui aura 51 ans le 31 mai, est d’autant plus grande qu’au terme de son premier mandat, de 1998 à 2002, il avait été battu deux fois de suite par la gauche. Revenu au pouvoir en 2010, le voici pour la première fois reconduit à la tête du gouvernement. Il est vrai qu’il s’est donné tous les moyens possibles pour gagner le scrutin, au point que les observateurs de l’OSCE ont formulé quelques doutes sur sa régularité : redécoupage des circonscriptions, nouveau système électoral, domination absolue sur les médias. Mais nul ne conteste, en dépit de ces manœuvres douteuses, le succès de M. Orban, dont la « révolution conservatrice » a rencontré l’assentiment du peuple hongrois.
Le premier ministre sortant peut se targuer d’avoir redressé l’économie hongroise, en tenant tête au FMI et à l’Union européenne qui voulaient lui imposer un sévère plan d’austérité. La Hongrie était alors au bord de la faillite. M. Orban a choisi de répondre à la crise par un mélange d’étatisme et de libéralisme. Il a taxé les banques étrangères mais relancé la consommation en baissant les impôts et les prix de l’électricité. Pari gagné. La croissance sera de 2 % en 2014, le chômage est en baisse, le déficit inférieur à 3% du PIB. Les experts jugent ce redressement fragile. Mais il a au moins permis au parti de M. Orban de gagner les élections, même s’il a reculé en voix d’un scrutin à l’autre.
Les deux autres enseignements qu’on peut tirer de ces élections portent, en Hongrie comme en France au lendemain des municipales, sur la poussée de l’extrême-droite et sur la débâcle de la gauche. Le Jobbik, ou Mouvement pour une meilleure Hongrie, une formation ultra-nationaliste qui combat le cosmopolitisme, les Roms et l’Union européenne, obtient, avec 20,5 % des suffrages, le meilleur score de son histoire. Comme le Front national en France, il a mis en sourdine pendant la campagne sa rhétorique traditionnelle aux relents antisémites pour développer un programme social destiné à le « dédiaboliser ». Il progresse dans les régions les plus pauvres, qui votaient à gauche. Gabor Vona, son jeune chef de 35 ans, s’efforce de gagner en respectabilité. Il affirme que le Jobbik est devenu aujourd’hui « le parti nationaliste le plus fort de l’Union européenne ».
Enfin, le scrutin confirme la déroute de la gauche, qui ne recueille que 26% des voix, auxquelles on peut ajouter les 5,3% des Verts. « La défaite est cuisante », a reconnu l’ancien premier ministre Gordon Bajnai, l’un des trois dirigeants de la coalition de gauche avec le chef de file du Parti socialiste, Attila Mesterhazy, et un autre ancien premier ministre, Ferenc Gurcsany. La gauche paie le prix de ses échecs passés et des souvenirs de corruption qu’elle a laissés après huit années au pouvoir, de 2002 à 2010. Il lui reste du chemin à faire pour renouveler ses hommes et ses idées.
Les élections européennes donneront une nouvelle indication sur la recomposition du paysage électoral en Hongrie mais aussi dans le reste de l’Union européenne. Les résultats du scrutin du 6 avril dépassent en effet le seul cas de la Hongrie. Ils laissent penser que les tendances dont ils sont porteurs, en particulier la progression de l’extrême-droite et le recul de la gauche, concernent aussi une grande partie du Vieux Continent.