En Suède, la coalition de centre-droit a certes remporté le scrutin face à la coalition de gauche mais elle ne devrait pas avoir la majorité absolue au Riksdag. Le parti des Démocrates de Suède a fait campagne en dénonçant les risques représentés par l’immigration pour l’identité de la Suède.
Avec les élections de dimanche, la Suède, où l’extrême-droite entre au Parlement pour la première fois dans l’histoire du pays, vient s’ajouter à une liste déjà trop longue. Aucun des deux camps, la coalition de centre-droit du premier ministre sortant Fredrik Reinfeldt comme l’alliance des partis de gauche autour des sociaux-démocrates, ne veut coopérer avec l’extrême-droite mais le succès, bien que limité (moins de 5% des voix) de cette dernière, montre que le pays n’est pas immunisé contre la haine des étrangers et en particulier des musulmans.
Aux Pays-Bas, la situation est comparable. Les populistes de l’islamophobe Geert Wilders sont arrivés en troisième position aux dernières législatives et sont en position d’arbitre pour la formation du gouvernement. Les libéraux et les chrétiens-démocrates étaient finalement prêts à accepter leur soutien mais l’accord a échoué et la reine Beatrix a chargé un nouvel « informateur » pour tenter de dénouer la crise.
Dans la Belgique voisine, l’extrême-droite flamande a rempli la fonction historique d’ouvrir la voie à une droite plus « respectable », la Nouvelle alliance flamande, qui veut donner ses lettres de noblesse à la partition du pays. La vindicte de cette droite indépendantiste vise les « étrangers » de l’intérieur. A savoir les Wallons pour lesquels les Flamands ne veulent plus payer. Comme ils ne veulent pas payer non plus pour les pays méridionaux de l’Union européenne qui, non contents de ne pas savoir gérer leurs biens, gaspillent les subsides européens. Au repli identitaire s’ajoute l’opposition à tout ce qui peut apparaître comme une forme de solidarité entre les riches et les pauvres en Europe, mais aussi à l’intérieur des Etats-nations. La Belgique, si tant est que le royaume puisse être qualifié d’Etat-nation, ne constitue pas une exception.
Le cas autrichien
En 2000, quand les conservateurs autrichiens de Wolfgang Schüssel ont formé une coalition avec les « libéraux » de Jörg Haider (en fait l’extrême-droite autrichienne), l’Europe s’est indignée et a infligé pour quelques mois des sanctions à l’Autriche. Le chancelier voulait embrasser les populistes pour mieux les étouffer. Il se référait souvent à l’exemple de François Mitterrand avec les communistes français après 1981. Dans un premier temps, il a réussi mais son succès a été de courte durée. Bien qu’elle se soit divisée après la mort accidentelle de son chef, l’extrême-droite autrichienne, sous la direction de Heinz-Christian Strache, arrive souvent en deuxième position dans les élections, soit derrière les conservateurs, soit derrière les socialistes. Le 10 octobre, elle disputera la mairie de Vienne aux socialistes, sans beaucoup de chance de l’emporter, mais les sondages la créditent tout de même de plus de 20% des suffrages, devant les conservateurs. Son slogan pour ces élections municipales est tout un programme : « Mehr Mut für unser Wiener Blut » (Plus de courage pour notre sang viennois).
L’Allemagne et l’islam
En Allemagne, l’extrême-droite est restée marginale tout le temps de la République fédérale, pour des raisons historiques évidentes. Le souvenir du nazisme était trop proche pour que les théories et les partis xénophobes aient droit de cité. Le parti néonazi NPD n’a jamais réussi à franchir la barre des 5% exigés pour entrer au Bundestag même s’il a parfois été représenté dans des assemblées locales. La réunification n’a pas fondamentalement changé cette situation, malgré l’apparition à l’Est de groupes violemment hostiles aux étrangers.
Mais il semble que peu à peu les tabous tombent aussi en Allemagne. En témoigne le succès de librairie du livre de Thilo Sarrazin, « l’Allemagne se dissout », submergée par les vagues d’immigrés qui ne sont pas aussi intelligents que la moyenne des autochtones. La Suisse a eu son référendum antiminarets. Le résultat ne serait pas différent en Allemagne, où la crainte de l’islam se développe, alors que le pays ne s’était jamais vraiment posé la question de l’intégration des quatre millions de Turcs qui vivent sur son territoire.
Populisme d’Etat en France
Nicolas Sarkozy s’était fait fort en 2007 de vider le réservoir des voix du Front national. Il se fixe vraisemblablement le même objectif pour 2012 mais c’est de nouveau au prix d’une reprise sans vergogne des thèses populistes les plus simplistes, qui deviennent ainsi politique d’Etat. Ce qu’on nomme pudiquement « maladresses » — la circulaire ciblant les Roms – sont au mieux la mise en œuvre d’une stratégie, au pire l’expression d’une intériorisation du vocabulaire xénophobe. La charge contre l’Europe, la Commission de Bruxelles, etc. font aussi partie de la panoplie du populisme classique, qui n’est certes pas propre à la France.
Dans une période de crise économique, il n’est pas difficile de pratiquer la politique du bouc émissaire. C’est celle aussi de l’apprenti sorcier. Et c’est ce qui est dangereux.