Largement battue aux élections législatives de 2010 et de 2014, la gauche hongroise peine à retrouver le chemin du pouvoir. Face à la droite incarnée par Viktor Orban, dont le parti, le Fidesz, associé au petit parti démocrate-chrétien, détient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale, les sociaux-démocrates, discrédités par la gestion controversée de leur ancien leader, Ferenc Gyurcsany, chef du gouvernement de 2004 à 2009, ne sont pas encore parvenus à regagner la confiance de l’opinion, deux ans avant les élections de 2018.
Principale composante de l’opposition, le Parti socialiste a changé plusieurs fois de chef. Après Ferenc Gyurcsany, qui l’a quitté en pour fonder la Coalition démocratique, Ildiko Lendvai a pris le relais jusqu’à la défaite de 2010. Attila Mesterhazy lui a succédé jusqu’à celle de 2014. Jozsef Tobias a relevé à son tour le défi. Il a été évincé il y a quelques semaines.
Les socialistes se sont en effet donné, le 25 juin, un nouveau président, qui aura pour tâche de mettre le parti en ordre de bataille afin d’affronter le scrutin de 2018 et tenter d’interrompre les succès électoraux de Viktor Orban. Ils ont choisi Gyula Molnar, qui l’a emporté, au second tour, sur le président sortant, Jozsef Tobias, après avoir éliminé deux autres concurrents au premier tour.
Cet ancien député de 55 ans, ancien maire du XIème arrondissement de Budapest, est de retour sur la scène publique après avoir dû renoncer à ses fonctions politiques en 2010 pour se défendre d’une accusation de fraude dont la justice vient de le laver. Ce retrait involontaire, en lui permettant d’échapper pendant toute cette période aux querelles intestines du Parti socialiste, a paradoxalement favorisé son élection. Gyula Molnar est apparu crédible lorsqu’il a appelé ses camarades à « mettre en sourdine les débats internes » pour « se concentrer sur l’échéance de 2018 ».
La paix au sein de la famille
Le nouveau président souhaite surtout resserrer les liens entre le Parti socialiste et le deux petits partis de gauche avec lesquels il s’est allié en 2014, la Coalition démocratique de Ferenc Gyurcsany et Ensemble, la formation de l’ancien premier ministre Gordon Bajnai, dirigée aujourd’hui par Viktor Szigetvari. Il a plusieurs fois affirmé, contre une partie de ses amis restés très hostiles à Ferenc Gyurcsany, que le Parti socialiste ne l’emporterait pas tout seul et qu’il devait établir, avec ses alliés, une force politique enfin capable de renverser le gouvernement de Viktor Orban. Le moment est venu, selon lui, de mettre fin aux dissensions et de rétablir « la paix au sein de la famille ». Le refus de toute coopération avec des partis proches est peut-être, a-t-il dit, une manière de préserver le Parti socialiste mais c’est surtout la plus sûre façon de perdre les élections. La faute classique de la gauche lorsqu’elle est dans l’opposition, a-t-il encore déclaré, c’est de se préoccuper de construire le parti plutôt que de gagner les élections.
C’est cet esprit de conquête et de combativité que Gyula Molnar veut redonner au Parti socialiste, dont la plupart des dirigeants ont cessé de croire à une possible victoire face au Fidesz de Viktor Orban. Sur le fond, le nouveau président ne remet pas en cause la ligne social-libérale majoritaire chez les socialistes hongrois depuis le début des années 2000 et inspiré de la « troisième voie » incarnée naguère par Tony Blair en Grande-Bretagne et Gerhard Schröder en Allemagne. Mais il souhaite redynamiser le parti en l’ouvrant davantage aux mouvements de la société civile qui sont aujourd’hui le fer de lance du combat contre la politique de Viktor Orban. Il en appelle aussi aux syndicats, aux intellectuels, aux experts. Il en attend qu’ils aident les socialistes à mieux répondre aux besoins de l’électorat de gauche, qui les a en partie abandonnés ces dernières années mais qui pourrait se lasser bientôt de l’autoritarisme de Viktor Orban.
Ferenc Deak et le compromis austro-hongrois
Le nouveau président du Parti socialiste se réclame de trois grandes personnalités de l’histoire hongroise : Ferenc Deak, qui fut au XIXème siècle l’artisan du compromis austro-hongrois de 1867 ; Arpad Göncz, le populaire président de la République de 1990 à 2000, mort en octobre 2015 ; Gyula Horn, l’ancien ministre des affaires étrangères du régime communiste, mort en juin 2013, qui ouvrit le rideau de fer entre l’Autriche et la Hongrie en 1989 avant de devenir, de 1994 à 1998, premier ministre.
Du premier Gyula Molnar revendique l’ouverture, du deuxième l’humanité et du troisième le pragmatisme. La référence à Deak, en particulier, est importante. Un cercle Deak a été créé en effet en 2014 au sein du Parti socialiste. Il soutient que le vrai clivage n’est plus aujourd’hui entre la gauche et la droite, mais entre l’ouverture sur l’Europe, expression d’un progressisme moderne, et le repli sur la nation, expression d’un conservatisme borné.
Cette opposition vise directement la politique eurosceptique de Viktor Orban. Certains vont jusqu’à souhaiter, en Hongrie comme ailleurs, la transformation du Parti socialiste en un vaste parti démocrate qui réunirait, au nom des valeurs européennes, tous les courants de la gauche et du centre gauche. Ces questions pourraient être au centre des prochaines campagnes électorales.
Gyula Molnar sera-t-il celui qui conduira la gauche à la victoire ? Pour le moment, son ambition est de remettre sur pied le Parti socialiste. Pour mener le combat décisif, il cite le nom du jeune maire de Szeged, Lazslo Botka (43 ans), ou envisage des primaires de la gauche. Pourquoi pas lui-même ? « Il est trop tôt pour en parler », dit-il.