François Hollande et le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius viennent de décider le plus vaste mouvement diplomatique depuis deux ans. Les titulaires des principales ambassades dans le monde vont changer. A Washington, Tokyo, Londres, Alger, Berlin, ainsi que les représentations à l’ONU et auprès de l’Union européenne. Beaucoup d’ambassadeurs échangent leurs postes mais ce qui frappe dans ce remaniement c’est le nombre de diplomates ayant servi dans les cabinets de Jacques Chirac lorsqu’il était président de la République ou des ministres des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy. Aucune des nominations ne peut être qualifiée de « politique ». Aucun soupçon de favoritisme pour des proches du Parti socialiste ne peut être avancé.
Trois hypothèses. Ou bien François Hollande pratique « l’ouverture », à l’image de son prédécesseur. Ou bien il fait confiance à des diplomates chevronnés dont les qualités professionnelles ne sauraient être mises en cause. Ou bien il est convaincu qu’il n’y a pas de politique étrangère de gauche et de politique étrangère de droite. Ces explications ne sont pas exclusives l’une de l’autre. En tous cas ces choix soulignent le fait que les décisions de politique extérieure et leur mise en œuvre sont largement indépendantes de la couleur du gouvernement. Ce sont les intérêts nationaux qui sont déterminants.
Hubert Védrine, l’ancien ministre des affaires étrangères du temps de la cohabitation Chirac-Jospin (1997-2002) a forgé une expression pour caractériser la continuité de la politique étrangère française sous la Vème République. Il parle de « compromis gaullo-mitterrando-chiraquien ».
Le seul chef de l’Etat à avoir tenté dans les premiers temps de son mandat de se libérer de ce compromis est Nicolas Sarkozy. Avant même son élection il avait proclamé son intention de mettre la défense des droits de l’homme au cœur de sa diplomatie. Il avait déclaré sa répugnance à serrer la main de Vladimir Poutine tachée du sang des Tchétchènes. La nomination au Quai d’Orsay de Bernard Kouchner, le promoteur du droit d’ingérence, et de Rama Yade au secrétariat aux droits de l’homme devait symboliser cette nouvelle orientation.
Ce flirt de Nicolas Sarkozy avec les thèses des néoconservateurs américains n’a pas duré longtemps. Quelques mois après son élection, il recevait à Paris le colonel Kadhafi avec tous les honneurs dus à un chef d’Etat étranger. L’année suivante, pour arrêter la guerre russo-géorgienne, il négociait avec Poutine, même s’il misait plus sur le « libéral » Dmitri Medvedev. Puis il accueillait Bachar el-Assad pour le défilé du 14 juillet.
Nicolas Sarkozy est donc revenu rapidement à la Realpolitik qu’il critiquait en tant que candidat. François Hollande n’en a jamais vraiment dévié. Est-il trop sensible à l’alliance avec les Etats-Unis comme certains archéo-gaullistes et des socialistes l’affirment ? L’anti-américanisme a en effet été longtemps tenu pour la preuve d’indépendance de la politique extérieure française. Le débat tournait autour de l’attitude envers l’OTAN dont le général De Gaulle avait quitté le commandement militaire intégré en 1966. A l’époque les socialistes avaient critiqué cette décision. Mais arrivé au pouvoir, Mitterrand l’avait respectée. Les conditions posées par Jacques Chirac firent échouer un rapprochement avec l’OTAN en 1997.
Nicolas Sarkozy a commencé à ramener la France dans le commandement intégré et François Hollande n’est pas revenu sur cette décision après avoir confié un rapport d’évaluation à Hubert Védrine. Conclusion du rapport : la coopération avec l’OTAN n’est pas aussi positive que ses partisans l’ont dit mais un retrait n’apporterait rien. Les relations avec l’OTAN ne sont donc plus une pierre d’achoppement.
François Hollande a dû affronter de difficiles décisions de politique extérieure peu de temps après son arrivée au pouvoir. Il a envoyé des soldats français au Mali puis en Centrafrique. Il a envisagé des frappes contre les forces de Bachar el-Assad en Syrie après l’utilisation d’armes chimiques par le régime et n’en a été dissuadé que par la défection de Barack Obama. Sa diplomatie ne fait certes pas l’unanimité mais le débat ne sépare pas la droite et la gauche. Il oppose les partisans d’une politique extérieure connectée à l’Europe et à l’Alliance atlantique aux nostalgiques de « l’indépendance » gaulliste.