Si c’est une tactique, elle est « minable », comme disait Jean-Marc Ayrault à propos de l’exil de Gérard Depardieu. Si c’est une tentative de rattrapage, elle est pathétique. Après que le Parti socialiste a préparé un texte dénonçant l’Allemagne, sa politique économique et la chancelière Angela Merkel, le gouvernement français a fait machine arrière. Le texte sera amendé et la condamnation de l’Allemagne adoucie. Si c’était une tactique, elle consistait à laisser le PS partir en guerre contre nos voisins pour lancer un avertissement sans engager formellement le président de la République. Si c’était une erreur, elle aurait pu être évitée dès l’origine sans que le Premier ministre soit obligé d’envoyer un tweet en allemand pour souligner l’importance du dialogue entre la France et l’Allemagne et que les ministres soient appelés à monter au créneau pour recoller les morceaux.
Les responsables allemands ne sont pas dupes. Ils savent pertinemment que l’Allemagne n’est pas la véritable cible des aigreurs du Parti socialiste français. L’enjeu est interne. Il concerne la politique menée par François Hollande pendant la première année de son quinquennat qui ne satisfait pas ses amis socialistes, sans parler des électeurs qui lui ont fait confiance en 2012 et qui, à en croire les sondages, l’ont déjà abandonné. Merkel est la métonymie de l’incapacité des socialistes français à penser une politique économique qui ne soit ni une copie à peine corrigée du sarkozysme ni un remake des politiques de relance des trente glorieuses.
François Hollande est arrivé à l’Elysée en promettant de renégocier le traité fiscal européen et de mettre la croissance « au centre du projet européen ». Sous la pression de ses partenaires, il a été amené à accepter le traité et à le faire voter par sa majorité, et à se contenter d’un plan de croissance au rabais. A part quelques corrections à la marge, le président de la République n’a pas été en mesure de proposer une autre politique, cohérente et convaincante.
Les socialistes critiques ne sont pas les seuls à mettre en cause la politique imposée par la Commission de Bruxelles et à mettre en garde contre les risques d’une politique générale d’austérité en Europe. Plusieurs fois par semaine, le prix Nobel de l’économie Paul Krugman lance des avertissements contre cette orientation européenne, sans être écouté de ce côté-ci de l’Atlantique. Il l’est plus aux Etats-Unis, sans être totalement suivi. Paul Krugman représente peut-être la vieille école. Celle qui pense qu’une politique de restriction des dépenses publiques dans des périodes de dépression ne fait qu’aggraver la récession. Qu’une politique anticyclique est indispensable pour relancer la croissance.
Ce n’est pas l’opinion dominante dans l’Union européenne. François Hollande ne partage peut-être pas la vision de ses partenaires mais il n’est pas en mesure politique de faire valoir son point de vue. Le rapport de forces n’est pas en sa faveur. Les palinodies du Parti dont il fut le premier secrétaire ne l’aident pas à s’imposer.