La question du Kosovo demeure un motif de discorde entre les Etats membres de l’Union européenne. Elle est aussi l’un des principaux obstacles à l’adhésion de la Serbie. Celle-ci refuse en effet de reconnaître l’indépendance de son ancienne province. Elle n’est pas la seule. Cinq pays de l’UE – Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie – adoptent la même attitude par crainte d’encourager les séparatismes à l’intérieur de leurs propres frontières. Treize ans après la fin des bombardements qui, en 1999, ont chassé les forces serbes d’un Kosovo à majorité albanaise, le conflit reste une source de tensions en Europe, même si les violences interethniques se sont apaisées après quelques dangereuses flambées.
La communauté internationale tente patiemment de débloquer la situation mais elle sait bien que la solution passera par une négociation entre les gouvernements de la Serbie et du Kosovo. Cinq ans après la proclamation par le Kosovo de son indépendance le 17 février 2008, avec la bénédiction des puissances occidentales et l’hostilité russo-chinoise, où en est-on ? Pour la première fois une lueur d’espoir se dessine. Le développement du dialogue, d’abord « technique » puis politique, entre Belgrade et Pristina, la capitale du nouvel Etat, crée une atmosphère plus favorable à la recherche d’un accord.
« Le gel de ce conflit n’est pas dans notre intérêt, pour des raisons de politique intérieure et d’intégration européenne », vient de déclarer au Monde la vice-présidente de Serbie, Suzana Goubjesic. De son côté, le premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi, avant de rencontrer son homologue serbe, Ivica Dacic, a exprimé le souhait que le « processus de normalisation » s’achève par une « reconnaissance mutuelle ». Le temps de l’apaisement semble succéder à celui l’affrontement. Le ton est à la conciliation entre les dirigeants des deux pays.
Officiellement le Kosovo a acquis sa pleine souveraineté en septembre 2012 après une période d’indépendance « sous supervision ». Le Bureau civil international, qui était placé sous l’autorité du diplomate néerlandais Pieter Feith, a été dissous et ses pouvoirs transférés au gouvernement kosovar. Mais le pays est toujours largement sous tutelle de ses alliés occidentaux, à travers les missions de l’ONU (MINUK), de l’OTAN (KFOR), de l’Union européenne (Eulex) et de l’OSCE. Il a besoin de l’aide internationale. Avec un taux de chômage supérieur à 40%, un salaire moyen de 300 euros par mois et un tiers de ses habitants vivant de moins d’un dollar par mois, son économie est sinistrée. La Commission européenne, dans ses rapports, s’inquiète de la montée de la corruption.
Avec la Serbie, la principale difficulté vient du refus de la population serbe du Kosovo, rassemblée au Nord du pays, d’accepter l’autorité de Pristina. Elle va jusqu’à interdire aux fonctionnaires kosovars de traverser son territoire pour se rendre en voiture au poste frontière de Jarinje, qui marque la limite du Kosovo et de la Serbie. Mais au moins ce poste frontière existe-t-il. Il a été ouvert, avec trois autres, en décembre 2012 sous l’égide de l’Union européenne et représente un premier succès du dialogue entre les deux pays.
Il faudra beaucoup d’autres étapes pour que les deux parties parviennent à un accord. Belgrade demande que les Serbes du Kosovo bénéficient, au Nord, d’une certaine autonomie. La discussion doit porter aussi sur l’avenir des structures mises en place par les Serbes dans cette partie du pays. Le chef du gouvernement serbe, après sa rencontre avec son homologue kosovar, a souligné que « pour la première fois la question des institutions parallèles et d’un statut particulier pour le nord a été abordée d’une manière sérieuse ». Un accord douanier provisoire a été conclu.
L’entretien entre les deux premiers ministres avait été précédé d’une rencontre hautement symbolique entre les deux chefs d’Etat, Tomislav Nikolic et Atifete Jahjaga. Le dialogue progresse à petits pas sous l’égide de Catherine Ashton, la haute représentante de l’Union européenne, qui se montre active sur ce dossier. L’évolution de la négociation représente un enjeu important pour la politique extérieure de l’Europe.