Longtemps, trop longtemps, le gouvernement grec a toléré les proclamations racistes et les violences des partisans du parti d’extrême-droite Aube dorée. Il a fallu l’assassinat d’un jeune rappeur très populaire pour que le Premier ministre Antonis Samaras se décide enfin à sévir. Les autorités ont frappé fort : le chef du parti et son porte-parole ainsi que six de ses dix-huit députés ont été arrêtés. Des policiers ont été appréhendés. Deux généraux ont démissionné « pour raisons personnelles ». Le responsable des services secrets chargé de surveiller Aube dorée a été muté. Il était soupçonné d’avoir des sympathies pour le mouvement néo-nazi.
Les hésitations passées du gouvernement n’avaient rien à voir avec une quelconque indulgence politique pour Aube dorée. Mais Antonis Samaras et son parti, la Nouvelle démocratie (ND), ne désespéraient pas de récupérer une partie des électeurs qui se sont tournés vers le parti fasciste aux dernières élections de 2012 et lui ont donné 7% des voix, pour la première fois depuis la chute des colonels en 1974. D’autre part, les militants d’Aube dorée n’ont pas limité leurs actions à des ratonnades contre les immigrés illégaux qui peuplent certains quartiers d’Athènes. Ils se sont attirés la sympathie des laissés pour compte de la crise auxquels ils distribuent des produits alimentaires. A une condition, bien sûr, qu’ils présentent une carte d’identité grecque pour que les étrangers ne bénéficient pas de leur « générosité ».
Des complicités, en tous cas, une sympathie diffuse dans les forces de l’ordre, ont assuré aux partisans d’Aube dorée une forme d’impunité. Jusqu’à ce que l’un des leurs tuent le jeune chanteur dans la banlieue d’Athènes et que des manifestants s’en prennent au maire de la ville de Meligala dans le Péloponnèse où chaque année, la droite grecque commémore le massacre par la résistance communiste d’otages accusés de collaboration avec les Allemands à la fin de la guerre.
Aube dorée était devenue un danger pour la droite modérée. Il est possible aussi que les autorités aient préparé leur intervention depuis plusieurs semaines, voire depuis plusieurs mois, et aient attendu l’occasion. Depuis l’assassinat de Pavlos Fryssas, connu sous le nom de Killap P, la popularité d’Aube dorée a diminué de moitié. De discrètes pressions venues tant de l’Europe que des Etats-Unis ont fait le reste.
Le nouveau ministre de la justice, qui appartient à la Nouvelle démocratie, reprend maintenant à son compte un projet de loi durcissant la législation antiraciste. Les députés de la droite modérée avaient refusé le même projet présenté au début de l’été par le petit parti de gauche Dima, membre à l’époque de la coalition gouvernementale, et soutenu par le PASOK (socialiste), sous prétexte que la législation actuelle était suffisante et qu’il ne fallait pas transformer en martyrs les partisans d’Aube dorée.
Les exactions d’Aube dorée ternissent l’image de la Grèce mais dans le même temps, le Premier ministre cherche à éviter une déstabilisation politique. Les dix-huit députés d’Aube dorée ont menacé de démissionner si leurs collègues n’étaient pas libérés. S’ils mettaient leur menace à exécution, dix-huit élections partielles seraient nécessaires dans un climat politique délétère. Le gouvernement grec n’en veut pas. Il attend une nouvelle tranche d’aide de la communauté internationale. Pour convaincre ses créanciers il met en avant les premiers résultats économiques et sa volonté politique. L’action contre Aube dorée en est une illustration.