Au-delà de la recomposition politique qui se joue dans deux des grands pays de l’UE, la France et la Grande-Bretagne, l’une et l’autre bousculées par le nationalisme, deux groupes vont continuer de dominer le Parlement au lendemain du scrutin européen : les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates du Parti socialiste. Le principal enseignement du scrutin est que les sociaux-démocrates, conduits par Martin Schulz, président du Parlement sortant, n’ont pas réussi à mettre en échec, comme ils l’espéraient, leurs traditionnels rivaux du PPE. Même s’ils réduisent l’écart par rapport aux conservateurs, ils ont encore vingt-six sièges de retard. Le rééquilibrage n’est pas suffisant pour leur permettre de devenir la première force du Parlement.
Les conservateurs perdent pourtant une soixantaine de sièges par rapport à 2009. Le recul est perceptible en France, où l’UMP régresse de près de 7 points, en Espagne, où le Parti populaire perd 16 points, en Italie, où le parti de Silvio Berlusconi est en recul de près de 18 points, en Pologne, où la Plateforme civique du premier ministre Donald Tusk perd une douzaine de points, aux Pays-Bas, où les chrétiens-démocrates du CDA sont en recul de 5 points, en Grèce, où la Nouvelle Démocratie régresse de 9 points et même en Hongrie, où le Fidesz de Victor Orban, quoique largement en tête, perd près de 5 points. Parmi les grands pays, seule l’Allemagne fait exception, la CDU-CSU d’Angela Merkel gagnant près de 6 points. En dépit de ces chiffres en baisse, le PPE demeure le premier groupe du Parlement européen, ce qui autorise l’ancien premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, son chef de file, dont la liste progresse de plus de 6 points au Luxembourg, à se porter candidat à la présidence de la Commission européenne.
Les sociaux-démocrates en échec
Les sociaux-démocrates formeront, comme précédemment, le deuxième groupe du Parlement. Ils reculent d’une dizaine de sièges par rapport à 2009. Ils ne profitent donc pas du score médiocre du PPE. Paradoxalement, en France, où leur défaite est lourde, ils ne perdent qu’un siège, passant de 14 à 13 élus. Les sociaux-démocrates sont également en échec en Espagne (moins 15 points), en République tchèque (moins 8), en Hongrie (moins 7), en Finlande (moins 5), aux Pays-Bas et au Danemark (moins 2). Ils sont stables en Autriche, en Bulgarie, en Suède. Ils progressent nettement en Lituanie et au Portugal (plus 5), en Allemagne (plus 7), en Italie (plus 8), en Grande-Bretagne (plus 10), en Roumanie (plus 11). Au total, le groupe du PSE disposera de 186 élus au Parlement (contre 212 au PPE).
Le groupe libéral, dont le candidat à la présidence de la Commission était Guy Verhofstadt, reste la troisième force de l’Assemblée, tout en perdant 13 sièges (70 contre 83). Il progresse légèrement en France avec l’union de l’UDI et du Modem dans l’Alternative, qui gagne 1 point par rapport au score du Modem en 2008, aux Pays-Bas et en Finlande (plus 1), recule en Suède (moins 3) et au Danemark (moins 3), s’effondre en Allemagne et en Grande-Bretagne (moins 7).
Quant aux Verts, ils reculent notamment en France (moins 7 points) et en Allemagne (moins 1), mais progressent en Suède (plus 3), où ils sont en seconde position, et en Espagne (plus 6) où, alliés aux communistes, ils sont en troisième position. Avec 57 élus contre 55 en 2009, ils forment la quatrième force du Parlement. Ils sont suivis de la gauche radicale, en hausse de 35 à 43 élus, en raison notamment du succès d’Alexis Tsipras dont la liste arrive en tête en Grèce.
La poussée des eurosceptiques
Toutefois ce classement peut être modifié par la montée des partis eurosceptiques dont les élus devraient se répartir entre trois groupes : les conservateurs du premier ministre britannique David Cameron, les souverainistes de Nigel Farage, arrivés en tête en Grande-Bretagne, et le Front national de Marine Le Pen, qui tente de fédérer autour d’elle les eurodéputés d’extrême-droite. Il faudra un peu de temps pour qu’apparaisse clairement le visage du nouveau Parlement. A ces trois groupes qui se disputent la faveur des nouveaux élus s’ajouteront sans doute des non-inscrits, qui ne se reconnaissent dans aucun des rassemblements en préparation. On ne sait pas en particulier où ira la vingtaine d’eurodéputés italiens du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo.
Une centaine d’élus eurosceptiques font ainsi leur entrée au Parlement européen : outre les amis de Beppe Grillo (25,5% des voix en Italie), ils comprennent notamment les 24 représentants du Front national (25% des voix en France), les 23 de l’UKIP (United Kingdom Independant Party, 27,5% des voix en Grande-Bretagne), les 18 conservateurs britanniques (24%), les 7 de l’Alternative pour l’Allemagne (7%), les 5 de la Ligue du Nord en Italie (6%), les 4 du FPÖ autrichien (19,5%) et du Parti du peuple danois (26,6%), les 3 du Parti pour la liberté néerlandais (12,4%) et du Jobbik hongrois (14,6%), les 2 d’Aube dorée en Grèce (9,3%), des Démocrates de Suède (9,7%) et des Vrais Finlandais (12,9%). Ces anti-Européens ne sont pas assez nombreux pour bouleverser les rapports de force au Parlement européen mais leur montée en puissance dans l’Union européenne, plus ou moins contenue selon la popularité des partis traditionnels, au pouvoir ou non, est sans aucun doute l’événement majeur de ce scrutin.