Les autorités européennes prennent acte, avec inquiétude, que les Grecs devront se prononcer à nouveau au mois de juin. Le temps presse parce que des échéances financières importantes attendent la Grèce à la fin du printemps. Si l’aide européenne n’arrive pas, le pays devra se déclarer en faillite. Or les autorités de Bruxelles, comme les responsables nationaux des Etats de l’Union, ont averti que sans un gouvernement qui s’engage à respecter les engagements pris par Athènes depuis des mois, le versement de l’aide serait interrompu. Il n’est pas sûr que cette menace suffise à décourager les électeurs grecs de sanctionner les partis qui ont signé ces accords et qui sont considérés comme responsables à la fois de l’état catastrophique dans lequel se trouve le pays et des mesures d’austérité imposées par la communauté internationale en contrepartie de la réduction de la dette et de l’octroi de lignes de crédit.
Une prime de 50 sièges
Quand l’Allemagne appelle les Grecs à se prononcer clairement pour ou contre leur maintien dans la zone euro, elle a toutes les chances d’être entendue. Une majorité écrasante est en effet en faveur de l’euro. Mais Grecs et Allemands – ainsi que la majorité des autres Européens – ne comprennent pas cet engagement de la même façon. La formation qui a actuellement le vent en poupe à Athènes, Syriza, le parti de la gauche radicale, est à la fois pour l’euro et contre l’austérité. Elle a toutes les chances d’arriver en tête du prochain scrutin, du moins si l’on en croit les sondages. Le système électoral accordant une prime de 50 sièges au premier parti, Syriza pourrait se retrouvait avec une centaine de sièges (sur 300) dans la prochaine Voulia (parlement). Ce n’est pas suffisant pour avoir à lui seul la majorité mais c’est assez pour être le pilier du futur gouvernement.
Son chef, le jeune Alexis Tsipas, fait campagne contre la potion amère ordonnée par la « troïka » internationale (BCE, Commission européenne et FMI) à la Grèce : baisse des salaires, diminution des effectifs de la fonction publique, réforme du marché du travail, réduction des dépenses de l’Etat, des retraites et des prestations sociales, etc.
La récession économique frappe le pays pour la troisième année consécutive, ce qui fait dire à certains experts que le remède est pire que le mal. Avec un tel recul de l’activité, la baisse des déficits publics qui reste le principe fondamental de la « troïka », risque d’être renvoyé aux calendes. Loin de se réduire, les déficits se creusent et la dette augmente.
La Grèce peut-elle sortir de ce cercle vicieux ? Dans les négociations qui ont eu lieu après les élections du 6 mai, le chef de Syriza s’est montré intransigeant. Pas question pour lui de former une coalition avec des partis qui s’engageraient à se plier aux injonctions des bailleurs internationaux. S’il gagne le prochain scrutin, il pourrait cependant se montrer plus accommodant. Sans aller jusqu’à accepter ce qu’il a refusé jusqu’alors, il pourrait ouvrir des négociations avec la Commission européenne et le FMI, afin de trouver un compromis. Tâche certes difficile mais pas impossible si les deux parties font preuve de pragmatisme.
Du côté des créanciers, il est raisonnable de reconnaitre d’une part que la ligne imposée jusqu’à maintenant conduit dans une impasse, pour des raisons aussi bien économiques que politiques, d’autre part qu’une sortie de la Grèce de l’euro risque, quoiqu’en dise, d’avoir des répercussions en chaine qui menaceraient l’ensemble de la zone.
Compromis
Du côté grec, un nouveau gouvernement ne peut purement et simplement déclarer nuls et non avenus les accords qui ont été passés. Mais fort d’une légitimité renouvelée, il serait en mesure d’obtenir de ses partenaires un étalement voire un adoucissement des mesures les plus douloureuses. François Hollande l’a laissé entendre à Berlin lors de sa conférence de presse avec Angela Merkel et le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble lui-même, s’est déclaré ouvert à « de nouvelles idées ».
En Allemagne, un débat a commencé sur le cours suivi jusqu’à maintenant. Intellectuellement, la rigueur financière est un objectif louable ; politiquement, elle peut être l’objet d’accommodements. La Grèce n’est pas le seul exemple de ce rappel à l’ordre.