Le redressement observé depuis deux ans (voir note BE du 01/07/2012) se confirme et l’hégémonie des Etats-Unis dans les biotechnologies n’est toujours pas contestée.
Avec des bénéfices en hausse de 15% sur l’année précédente, un effort de Recherche et développement en augmentation de 20% sur la même période, un accroissement de 10% des emplois et 7% d’entrées en Bourse supplémentaires, les Bio-industries sont bien un moteur de la croissance aux Etats Unis.
La situation en Europe est moins enthousiasmante. Si les bénéfices sont en croissance de 4%, les budgets R&D sont stables mais les effectifs sont en baisse de 7%.
Le Royaume-Uni, grâce notamment à des mesures fiscales et à la souplesse de la réglementation, reste le pays le plus attractif parmi les vingt-huit de l’Union européenne. Toutefois, comme l’a déclaré Tom Saylor de la Bio Industry Association (UK), dans la compétition entre l’Europe, la Corée du sud et le Japon , les pays asiatiques sont souvent gagnants.
La Chine, acteur majeur
Comme les années précédentes, les pays émergents (Brésil , Russie , Chine , Inde et Afrique du Sud ) maintiennent leurs efforts tant au niveau de la recherche publique que des bio-industries. La Chine et le Brésil peuvent être considérés aujourd’hui comme des acteurs majeurs. Les turbulences politiques, économiques et sociales que rencontre l’Inde devenaient un lourd handicap qu’il était urgent de surmonter.
Le développement du secteur en Russie rencontre également des difficultés. Nos interlocuteurs russes ont fait part de leurs inquiétudes. Si la « fuite des cerveaux » vers l’étranger semble, aujourd’hui ,contenue , les jeunes ingénieurs et chercheurs préfèreraient rejoindre les départements « marketing and business development » des entreprises étrangères établies en Russie plutôt que des sociétés locales . Si cette tendance était confirmée, elle risquerait de menacer le développement des bio-industries russes, laissant le terrain libre aux sociétés étrangères sur le pays.
Une place à part pour l’Afrique du sud
La session consacrée à l’Afrique , intitulée « Africa, the new biotech frontier » , n’a pas répondu aux attentes . Seul le domaine de la santé humaine a été pris en considération (rien sur l’agriculture, l’alimentation humaine, l’élevage, la biodiversité). En outre les intervenants ne relevaient que de deux pays : le Nigéria et l’Afrique du Sud. Toutefois les fortes tendances observées ces dernières années se confirment : certains pays du continent maintiennent leurs efforts et l’Afrique du Sud peut devenir le Hub des biotechnologies du continent. Les relations entre ce pays, l’Amérique du Nord et l’Europe, la poursuite de recherches compétitives (malaria, tuberculose) en collaboration avec des grands groupes industriels , l’émergence de start up , sont des atouts qui le distingue des autres pays du continent.
Pour que les pays africains puissent, tous, jouer un rôle d’acteur dans le développement des biotechnologies, une coordination des efforts et une mutualisation des compétences sont des conditions préalables. En outre l’identification, la mobilisation et la coordination de la « diaspora » des chercheurs africains qui font défaut aujourd’hui sont autant d’atouts qui seront déterminants demain.
Les fondations telles que « Bill & Melinda Gates Foundation » contribuent largement à cette dynamique qui pâtit de la faiblesse des relais gouvernementaux et d’une corruption endémique.
Enfin parler de « l’Afrique » prête à confusion. Les rares centres d’excellence reconnus à l’échelle internationale (Institut Pasteur de Tunis ou MRC en Afrique du Sud) et les faméliques dispensaires dans la brousse participent-ils des mêmes biotechnologies ?
Des accords entre collectivités françaises et nord-américaines
La veille de l’ouverture de BIO 2014, le ministre français de l’économie Arnaud Montebourg avait invité financiers et partenaires potentiels américains à un cocktail sur les bords du Pacifique. C’est seulement trois heures avant l’événement que certains invités ont reçu un message annulant cette réception. Malgré cet incident, baptisé « le lapin de Montebourg », qui fût du plus mauvais effet, la présence française a été remarquable. Largement représentée à BIO 2014, la France a manifesté un dynamisme.
Les régions et pôles de compétitivité ont fait montre d’audace en signant par exemple des accords avec des partenaires nord-américains, PACA et Languedoc- Roussillon avec la Californie , Medicen (Ile de France) avec BioMaryland . Il reste à souhaiter que ces MoU ( memorandum of understanding) soient suivis d’effets.
Ambitieuse, la France voulait être présente également sur la côte Est. Parallèlement à la réunion de San Diego, se tenait à New York, les 25 et 26 juin, la première édition des « French Life Science Days », opération séduction des investisseurs sur les bords de l’Hudson. Ils rassemblaient des jeunes entreprises innovantes et des financiers. Un succès au dire des participants…
Recherches précompétitives
Les recherches précompétitives sont une option stratégique qui tend à se généraliser des deux côtés de l’Atlantique et au Japon. Mises en place pour partager les données, les recherches et les risques, elles associent des institutions de recherche (NIH , Université d’Arizona , l’Université d’Uppsala par exemple), des grandes firmes pharmaceutiques (Johnson & Johnson , GSK, Takeda, Sanofi, Pfizer, Merck & Co, etc. ) et des associations caritatives .
Cette « mutualisation / collaboration « se retrouve dans les fusions et acquisitions (M&A-mergers and acquisitions). Elles sont toujours en croissance mais sur les dix opérations réalisées en 2013, seules trois concernent des grands groupes et des entreprises innovantes (Bayer Health Care /Algeta ; AstraZeneca/Pearl Therapeutics ; Amgen/Onyx Pharmaceuticals). Les autres M & A impliquent des jeunes entreprises entre elles.
Les pays du Golfe dans le monde des biotechnologies ?
’édition annuelle du « WorldView Scorecard » de la revue Scientific American permet d’avoir une vue panoramique du développement des biotechnologies dans le monde. L’effort national de recherche, les publications et les brevets, les politiques nationales sont les facteurs pris en considération pour établir ce classement. Celui de cette année est sans surprise pour ce qui concerne les « leaders » (USA, Singapour, Danemark, Australie, Suède, Suisse, Finlande, UK, Allemagne, France).
La surprise vient des pays du Golfe. Le Qatar, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite apparaissent dans le milieu du tableau. La politique conduite par Dubaï (au sein des UAE) est originale et prometteuse.
Nous avons pu nous entretenir avec Marwan Abdulaziz Janahi , directeur exécutif de TECOM investisseur du Cluster DuBiotech , parc technologique consacré aux biotechnologies et aux bio-industries. La stratégie, originale, adoptée par Dubaï et les six autres pays qui constituent les Emirats arabes unis est d’attirer dans un premier temps les grands groupes industriels du secteur de la santé pour produire sur place. La deuxième phase sera de faciliter l’installation de centre de R&D permettant le développement de la recherche fondamentale.
Certification halal
Marché puis Recherche et non Recherche puis Marché est l’équation sur laquelle repose le pari des Emirats. La présence de grandes firmes faciliterait le développement de plates formes de connaissances. Les premiers résultats de cette stratégie adoptée en 2005 sont prometteurs puisqu’une centaine de sociétés sont aujourd’hui présentes sur le cluster DuBiotech. Deux mille personnes y travaillent dans les domaines de la pharmacie , de l’instrumentation et de l ‘alimentation humaine.
Une plate-forme de « certification halal » se met en place. Elle permettra de cribler les produits de toutes origines (pharmacie, cosmétique, alimentation humaine, nutrition et santé animale). Il s’agit de s’adresser à tout le marché des pays musulmans et le Dr Marwan Abdulaziz Janahi, formé en administration des entreprises à l’Université du Texas est optimiste . « Mon rêve », nous a-t-il confié, est que nous atteignions une masse critique en Recherche d’ici cinq à dix ans. Un séminaire a rassemblé récemment à Dubaï 350 étudiants de maîtrise en Biotechnologie. Venus des pays du Golfe, ils témoignent de l’émergence des biotechnologies dans cette région.
Et Hillary Clinton entra en scène .
La librairie Warwick’s Books de La Jolla , dans la banlieue de San Diego était trop petite pour accueillir le public (un millier de personnes) venu à la rencontre de l’ex secrétaire d’Etat le mercredi 25 juin.
A une lectrice qui lui demandait si elle se présenterait aux élections présidentielles de 2016, Hillary Clinton a répondu : « « Well , if I do it, I’ll need your help ». Quelques heures plus tard des centaines de participants à la bioconvention 2014 à San Diego faisaient la queue, munis d’un bon d’entrée pour être admis à écouter le « key note speech » de l’ex-première dame et ex-secrétaire d’Etat. Plutôt qu’un discours , Hilary Clinton a adopté le mode de l’entretien sur scène , dialoguant avec le président de BIO, Jim Greenwood, (ancien élu républicain au Sénat de Pennsylvanie).
Maîtrisant parfaitement la problématique du développement des biotechnologies de la Santé aux OGM, des mesures fiscales aux risques des entrepreneurs, du soutien fédéral à la recherche, Hillary Clinton a donné l’impression d’entrer en scène pour les primaires démocrates dans deux ans.
Elle n’a éludé aucune question sur l’Iran, Vladimir Poutine, la Russie… Nous avions quitté les biotech et les applaudissements qui ont accompagné ses interventions avaient valeur d’encouragements. Mais tous les auditeurs n’étaient pas des électeurs américains.