Martin Schulz aime parler et parler beaucoup, parler haut et fort. Il sait très bien parler même quand il y a d’autres qui parlent en même temps. Martin Schulz est parle-mentaire.
Depuis peu, il est le président de tous les euro-parlementaires. Et il se veut un Président combatif. Il commence son mandat avec des ambitions politiques affirmées qui risquent de gêner les chefs d’Etat et de gouvernement, mais qui peuvent, en même temps, renforcer l’image et l’influence du Parlement européen. Dans ses premières déclarations officielles il a déjà annoncé qu’il s’opposerait à la prise de pouvoir des “sommets”, c’est-à-dire du Conseil européen qui assume de plus en plus la direction de l’Union européenne, derrière des portes closes, sans contrôle parlementaire direct. En ces temps de crise, c’est bien la moindre des choses.
Martin Schulz était, de 2004 à 2012, le président du groupe socialiste au Parlement européen. Son élection à la tête du Parlement est le résultat d’un partage des responsabilités entre socialistes/sociaux-démocrates (PSE) et conservateurs/chrétiens-démocrates (PPE), les deux grandes familles politiques qui laissent de côté des plus petites. Il succède au Polonais Jerzy Buzek du PPE qui a assumé la charge de président pendant la première moitié de la législature 2009-2014. Martin Schulz va occuper le perchoir jusqu’aux élections européennes de juin 2014.
Les excuses de Berlusconi
Le nouveau président est un vrai “ancien”. Il siège au Parlement européen, pour la première fois, en 1994. Réélu en 1999 il devient chef de la délégation du SPD, le Parti social-démocrate allemand, au sein du groupe socialiste en 2000. Il se fait remarquer par le grand public en juillet 2003, grâce à Silvio Berlusconi. Après avoir attaqué, en séance plénière, le Président du conseil italien qui assume la présidence tournante de l’UE, pour avoir manipulé la justice et les médias dans son pays, Martin Schulz s’entend rétorquer qu’il aurait fait un bon „kapo“ dans un film sur les camps de concentration nazis. Plus tard, le „Cavaliere“ présente ses excuses, mais Martin Schulz est, désormais, celui qui s’oppose à Berlusconi. Il est devenu célèbre. Par la suite, le SPD le place en tête de liste aux élections européennes de 2004.C’est ainsi qu’il devient président du groupe PSE.
Mais Martin Schulz est aussi un “vrai Européen“. Né en 1955 à Eschweiler, un petite ville de Rhénanie proche d’Aix-la-Chapelle, il grandit dans cette région au coeur de l’Europe, près des frontières belge et néerlandaise. En plus de l’anglais, il maîtrise le français et le néerlandais. Sa „carrière de rêve“, devenir footballeur professionnel, ne peut aboutir à cause de problèmes de genoux. Il se lance alors dans le monde des livres et devient libraire. A Würselen, une petite ville de la région, il ouvre une librairie. En même temps, il s’engage dans le SPD et se fait élire maire de Würselen. A 31 ans, il est le maire le plus jeune du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. De la politique communale à la tête de la petite ville rhénane de Würselen, sans „détour“ aux niveaux régional ou fédéral, il obtient son siège de député européen. Aujourd’hui, il fait partie de la direction du SPD au niveau national.
La défense des intérêts communautaires
Néanmoins, le nouveau président du Parlement européen, qui se retrouve maintenant au même niveau protocolaire que José Manuel Barroso, président de la Commission, et que Herman Van Rompuy, président du Conseil Européen, est toujours plutôt „haut-parleur“ que diplomate. Ses collaborateurs essaient de le convaincre d’observer plus de retenue dans sa façon de parler, mais il est et il reste un vrai politicien et un vrai parlementaire. Ainsi, il réclame un rôle dans la gestion de la crise financière, et de fait, le nouveau traité sur “l’Union fiscale” prévoit un rôle pour le Parlement européen et son président.
Ce président combatif rappelle aussi que la crise financière en cache une autre – celle de la construction européenne. Le choix est entre la “méthode communautaire” et la “méthode intergouvernementale”. Et ce choix n’est pas entre deux méthodes techniques, c’est le choix entre deux philosophies. “Merkozy” et le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement veulent, en principe, reprendre le pouvoir et réduire la Commission à une sorte d’organe exécutif des décisions prises par les gouvernements. Or, la Commission est une institution indépendante des gouvernements, gardienne des traités et garante des intérêts communautaires. Le Traité de Lisbonne augmente les pouvoirs du Parlement européen qui exerce le contrôle démocratique des activités communautaires de l’UE. En attaquant les pouvoirs du Conseil Européen, Martin Schulz s’en prend à la politique des gouvernements les plus forts de l’UE, au profit de l’élément communautaire, c’est-à-dire au profit du Parlement mais aussi de la Commission. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure il arrivera à nouer une alliance avec le président de la Commission et dans quelle mesure ce parlementaire arrive, par le verbe, à influer sur les décisions qui, en dernier ressort, reviennent aux gouvernements.