L’élection de Christian Wulff a été provoquée par la démission, tout à fait inattendue, du Président Horst Köhler, un an tout juste après sa réélection à la tête de l’Etat. A l’Assemblée Fédérale, institution de grands électeurs compétente pour élire le Président Fédéral, les partis politiques de la coalition dirigée par Mme Merkel disposaient, avec 644 délégués, d’une majorité confortable de 21 voix. Aucun problème, pouvait-on croire, pour faire élire le candidat de la coalition, M. Wulff, chef d’une coalition CDU/FDP en Basse-Saxe et vice président de la CDU, dès le premier tour avec la majorité absolue requise de 623 voix. Ce scrutin anticipé du 30 juin suscite des questions, avant tout, concernant la crédibilité et la compétence de la chancelière Angela Merkel.
M. Wulff n’a obtenu que 600 voix au premier tour – 44 voix lui étant refusées de son propre camp politique. Au deuxième tour, quand la majorité absolue de 623 voix était également requise, il n’en a obtenu que 615. Un désastre politique pour la Chancelière, chef de la CDU. Et même au troisième tour, quand M.Wulff a finalement réussi à obtenir la majorité absolue, il est resté 19 voix en dessous du nombre de voix dont disposait la coalition. La dirigeante d’une coalition en perte de vitesse (les sondages lui donnent les plus mauvais résultats depuis sa victoire électorale d’il y a seulement 9 mois) n’a pas su rassembler toutes les voix des formations politiques de sa coalition pour l’élection du chef de l’Etat.
Mme Merkel a déclaré de ne pas vouloir ouvrir la chasse aux « coupables ». M. Westerwelle, le vice-chancelier et président du parti libéral FDP, pouvait se contenter, cette fois, de constater la fiabilité de sa formation, dont 4 délégués seulement (sur 148) ont déclaré qu’ils votaient pour M. Gauck. M. Seehofer, le président de la CSU, sœur bavaroise de la CDU de Mme Merkel, a mis en doute, tout de suite, les confirmations de M. Westerwelle (« le vote a été secret ; je ne saurais pas dire qui a voté pour et qui a voté contre ») et a admis que ce scrutin a été une mise en alerte de la coalition. Il a demandé plus de « leadership » et que la coalition commence, finalement, à tout simplement bien travailler.
Mme Merkel se trouve dans une situation de plus en plus délicate. Les appels à montrer plus de leadership lui sont adressés à un moment où elle se retrouve seule à la tête de son parti. De ses 4 adjoints à la présidence de la CDU, une seule reste en poste : Mme Annette Schavan, la ministre fédérale de l’éducation et de la science – une ministre fidèle, mais sans « troupes » au sein de la CDU, dont les fonctions ministérielles manquent de compétences réelles. Les trois adjoints qui auraient pu avoir des ambitions de la concurrencer un jour, sont en train de partir : M. Wulff, qui vient d’être élu à la tête de l’Etat ; M. Koch, qui a annoncé sa démission prochaine de toute fonction politique, parce qu’il ne voit plus de marge de manœuvre pour lui-même ; M. Rüttgers, qui vient de subir une défaite électorale cinglante et qui vient, également, d’annoncer sa démission prochaine de toute fonction politique. A la tête de la CDU, Angela Merkel est maintenant seule.
Déjà, des voix au sein de la CDU se lèvent qui demandent d’elle qu’elle fasse tout pour que M. Koch ne quitte pas le monde politique. C’était lui, et non pas Mme Merkel, qui avait prononcé le discours le plus impressionnant devant les délégués de la CDU/CSU avant le troisième tour. S’il conservait une fonction politique importante, sans doute au niveau fédéral, Mme Merkel serait affaiblie encore davantage – même s’il pouvait faire contre-poids contre Ursula von der Leyen qui apparaît, aujourd’hui, comme celle qui pourrait succéder à Mme Merkel.
Aussi, la coalition CDU/CSU/FDP ne sort pas renforcée de ce scrutin qui aurait dû être un signal fort de renouveau. Au lendemain du scrutin, la chancelière est affaiblie, le FDP dépourvu de ses principaux thèmes de campagne en 2009, touche, à nouveau, au seuil des 5% dans les sondages les plus récents, et la CSU lutte, avant tout, contre le FDP pour retrouver sa domination en Bavière.
Tout cela ne facilite pas la solution des problèmes politiques qui sont sur la table actuellement :
a) La réforme du système d’assurances maladie, où le ministre Rösler (FDP) et la CSU s’opposent diamétralement.
b) La réforme fiscale, où le FDP a fini par renoncer à tout projet de réduction d’impôts, mais où la question de la suppression de taux réduits de la TVA suscite de grands problèmes.
c) Le concept énergétique, où le ministre de l’environnement Röttgen (CDU) plaide pour une prolongation modeste de l’autorisation de fonctionnement des centrales nucléaires comme « source d’énergie intermédiaire » et où d’autres responsables de la CDU plaident pour une prolongation de 27 ans. Or, il est bien possible qu’un vote du Bundesrat soit nécessaire pour changer la législation en place, mais la coalition n’y dispose plus, bientôt, de la majorité.
d) La réorganisation de la conscription, annoncée pour cet automne, où la position du ministre de la défense zu Guttenberg (CSU) n’est pas partagée par son chef du parti, M. Seehofer, ni par le chef de son groupe parlementaire, M. Kauder et où il est d’ores et déjà clair qu’un vote du Bundesrat, où la coalition sera bientôt minoritaire, sera nécessaire. De plus, dans une de ses premières déclarations, le nouveau Président Wulff s’est prononcé en faveur de la conscription. Autrement dit, des projets de législation importants sont à l’ordre du jour avant et après la rentrée qui risquent de diviser encore davantage la coalition.
S’ajoute à ces défis le fait que le système politique allemand ne connaît pratiquement pas d’année sans échéances électorales. Or, au mois de mars, des élections régionales auront lieu dans trois Länder : le Bade-Wurttemberg et la Saxe-Anhalt avec des coalitions CDU/FDP, qui vont essayer de se démarquer de leurs amis à Berlin, si l’image de la coalition Merke/Westerwelle ne change pas. En Rhénanie-Palatinat, l’ancien chef du SPD Kurt Beck dirige un gouvernement SPD unicolore. La CDU est toujours loin derrière et l’image actuel de la coalition de Mme Merkel ne la favorise pas dans ses efforts pour rattraper l’adversaire.
Bref, un an à peine après sa formation, la « coalition de rêve » de Mme Merkel et M. Westerwelle n’a pas réussi, avec l’élection laborieuse à la tête de l’Etat de M. Wulff, à convaincre les Allemands de la pertinence de ses choix.