Après le président allemand Joachim Gauck et la commissaire aux droits de l’homme Viviane Redding, François Hollande a décidé de ne pas se rendre à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver qui auront lieu à partir du 7 février 2014 à Sotchi en Russie. Le protocole n’imposait certes pas sa présence, même si Nicolas Sarkozy s’était rendu aux JO de Pékin en 2008. En annonçant cette décision sans la commenter, Laurent Fabius a fait comme si elle allait de soi, pour ne pas avoir à la justifier politiquement.
Il n’en reste pas moins que cette absence, si elle se confirme, n’est pas innocente. Elle est la manifestation d’une tension croissante dans les relations entre les Européens et la Russie de Vladimir Poutine. Lors de son voyage à Moscou, fin février, François Hollande avait été très discret sur les droits de l’homme. Depuis la situation s’est encore aggravée, la dernière manifestation d’autoritarisme étant le regroupement de tout l’appareil d’information sous la tutelle directe du Kremlin. Quant aux prisonniers politiques, ils restent détenus malgré les maigres espoirs de certains opposants de voir le régime s’adoucir un peu à l’approche des JO. Si la Russie de Vladimir Poutine veut impressionner le monde avec la manifestation de Sotchi, ce n’est pas en se montrant plus accommodant avec les contestataires.
Mais le malaise des dirigeants européens ne concerne pas au premier chef la question des droits de l’homme. C’est l’activisme de la Russie sur la scène internationale qui a de quoi les inquiéter. Non seulement Vladimir Poutine a marqué des points sur les Etats occidentaux, notamment dans la guerre en Syrie. Mais il n’a pas hésité à se mettre en travers des projets de l’Union européenne dans son voisinage de l’Est. Le chef du Kremlin a réussi à faire dérailler le projet de « partenariat oriental » que Bruxelles a proposé pour encadrer les relations de l’UE avec les Etats de l’ancienne Union soviétique qui regardent vers l’Ouest.
Vladimir Poutine a eu recours au chantage le plus grossier, maniant à la fois la carotte et le bâton, promettant une baisse des prix du gaz russe vendu à ces pays d’un côté, et multipliant les obstacles aux ventes sur le marché russe de leurs produits. Tout ceci ne l’a pas empêché d’accuser dans le même temps les Européens d’ingérence dans les affaires intérieures de ces Etats. La Géorgie, dont une partie du territoire est occupé par les troupes russes depuis la guerre d’août 2008, et la Moldavie, où Moscou encourage les séparatistes de Transnistrie, ont tenu bon. Fin novembre, elles ont paraphé l’accord d’association avec l’UE au sommet de Vilnius. L’Arménie a cédé aux pressions. Tout comme le président ukrainien Viktor Ianoukovitch qui ne s’attendait sans doute pas à déclencher dans son pays les plus grandes manifestations pro-occidentales depuis la « révolution orange » de 2004. Face à cette offensive russe, il ne serait pas de bonne politique pour François Hollande et ses collègues d’aller célébrer à Sotchi la gloire de la Russie poutinienne.
Il ne s’agit pas du boycottage d’une manifestation sportive car rien n’empêche les athlètes français et autres de participer aux JO. Mais Vladimir Poutine ne pourra pas en tirer tout le bénéfice politique qu’il escomptait.