Le "partenariat oriental" est une nouvelle forme de coopération qui a été récemment lancée à l’initiative des pays membres de l’Europe centrale, soutenus par la Suède, qui sont soucieux de ne pas laisser se former une sorte de zone tampon entre l’UE et la Russie.
Ce partenariat oriental présente en théorie deux avantages : d’une part, il permet une expansion de l’influence réformatrice et pacificatrice de l’Europe sans proposer une adhésion à des Etats qui ont fait partie naguère de l’Union soviétique. D’autre part, l’UE n’est pas mécontente de tisser des liens qui n’incluent pas l’adhésion avec des pays au centre de divers conflits.
Mauvaise humeur russe
Sur le premier point, il n’est pas sûr que les Européens réussissent à apaiser les craintes de la Russie. Quoiqu’elle en dise officiellement, celle-ci ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de l’UE à ses frontières, surtout si cette arrivée apparaît comme un succédané de l’élargissement de l’OTAN. Elle a déjà « perdu » les Etats baltes et elle considère que les Occidentaux n’ont pas à s’immiscer dans les affaires intérieures des anciennes républiques soviétiques. Elle veut conserver pour elle le monopole de cette interférence. Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, de passage à Bruxelles, a manifesté sa mauvaise humeur par rapport à cette proposition de partenariat oriental. Et même si les deux affaires n’ont aucun rapport, ce n’est pas un hasard si la Moldavie - et le Kazakhstan (qui n’est pas concerné par le partenariat) - ont cédé aux pressions de Moscou et refusé de se joindre aux manœuvres du partenariat pour la paix que l’OTAN organise en Géorgie.
Le second point a plutôt pour objectif d’apaiser les craintes de certains pays membres de l’Union européenne, en général parmi les plus anciens, qui s’inquiètent de voir se rapprocher des Etats minés par des querelles intestines ou des conflits avec leurs voisins. Or c’est le cas pour les six impétrants.
La Biélorussie est encore gouvernée par le dernier satrape communiste, Alexandre Loukachenko. Il est si peu fréquentable que les Européens espèrent qu’il se fera représenter par son premier ministre au sommet de Prague. En même temps, ils n’ont pas perdu espoir qu’un rapprochement avec l’UE pourrait être bénéfique à des réformes en Biélorussie.
L’Arménie s’est placée sous la protection de la Russie à cause de son différent traditionnel avec la Turquie – mais les relations sont sur la voie de l’amélioration – et de son conflit avec l’Azerbaïdjan à cause du Haut-Karabakh, cette région d’Azerbaïdjan peuplée d’Arméniens que les forces d’Erivan ont conquise dans les années 1990. L’Azerbaïdjan, lui-même, oscille entre l’alliance avec l’Occident et la tutelle de la Russie, dont il a besoin pour écouler son pétrole et son gaz et pour se garantir contre un rapprochement trop rapide entre Ankara et Erivan.
La Géorgie présente à la fois une instabilité interne avec une opposition qui reproche au président Mikheïl Saakachvili ses méthodes autoritaires et ses attitudes fanfaronnes qui ont conduit à la guerre et à la défaite face à la Russie. Sous présidence française, l’UE a réussi à limiter les dégâts mais la Géorgie s’est retrouvée amputée de deux régions, l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, dont les indépendances n’ont pratiquement été reconnues que par la Russie. La Géorgie reste une pomme de discorde entre l’UE et Moscou et les Européens sont pris entre deux désirs contradictoires : ne pas décevoir les espoirs des Géorgiens qui se veulent européens et ne pas irriter Moscou qui considère la Géorgie comme son arrière-cour.
La Moldavie est dans une situation analogue, avec un pouvoir politique instable. Les dernières élections parlementaires ont été contestées par l’opposition et le parti communiste de l’actuel président Andreï Voronine qui l’a emporté, se demande s’il vaut mieux compter sur Moscou ou sur les Occidentaux pour recouvrer la Transnistrie, une région qui, depuis la dissolution de l’URSS, n’obéit plus au pouvoir moldave.
Quant à l’Ukraine, elle est divisée entre les Ukrainiens de l’Ouest qui regardent vers l’Europe et les russophones, tandis que les partisans de l’européisation sont divisés entre les fidèles du président Viktor Iouchtchenko et ceux de la premier ministre Ioulia Timochenko. Tout ceci, sous la pression des Russes qui ne désespèrent pas de réduire l’indépendance de l’Ukraine à une coquille vide.