Même Emmanuel Macron a envoyé un message qui a été lu par Bermard Guetta à la cérémonie des obsèques dans la salle Protomoeca du Capitol à Rome, et Le Monde lui a dédié une page entière : parce que Eugenio Scalfari, fondateur et Directeur pour les premier vingt ans de vie de La Repubblica, mort le 14 juillet, s’était toujours inspiré de la France, de ses Lumières, de son Encyclopédie dont il était fier de posséder une édition originale dans sa maison. Scalfari considérait la Révolution françaises comme l’événement fondant de l’Europe, comme il l’a dit lui même dans une vidéo-interview peu avant de mourir.
Le Direttore, comme on le nommait partout, avait créé un hebdomadaire et un quotidien, l’Espresso en 1956 et La Repubblica en 1976 qui ont profondément changé le journalisme en Italie et ont eu un succès éditorial sans comparaison. Quand il réunit les journalistes qui, connaissant l’Espresso, étaient prêts à le suivre dans la nouvelle aventure de la Repubblica, il leur dit : nous avons l’argent pour trois ans. Après, c’est fini. Deux ans plus tard déjà le quotidien de piazza Indipendenza (alors le siège du journal) avait un énorme succès éditorial et bientôt il sera le quotidien numéro un en Italie, avec une vente de 800.000 exemplaires, qui pour certains événement en Italie dépassait le million.
A commercer par le format, beaucoup plus petit que les autres journaux à ce moment-là (aujourd’hui tous ont adopté ce format, mais en ce temps-là il paraissait étrange) , ou par la traditionnelle Terza pagina, la page 3 du journal dédiée à un genre de culture souvent très solennel que la Repubblica abolit, en transférant les pages dédiées à la culture dans deux pages au milieux du journal (il paginone). Et beaucoup d’autres changements, les événements de la journée en 2ème et 3ème page, etc. Mais l’innovation la plus importante était dans l’objectif que visait Scalfari et le groupe qui l’entourait : rendre majoritaire en Italie une culture réformiste qui était jusque là toujours restée minoritaire. La Repubblica devait être un instrument d’information, de connaissance, capable d’aider le lecteur à comprendre et donc à participer. De la connaissance à la conscience, qui nous rend citoyens. Le but de Scalfari voulait conjuguer la gauche et la méthode libérale, la morale publique et la modernité. Il était un dictateur, il le reconnaît dans sa dernière interview, même si on lui reconnaissait dans la rédaction d’être juste. On appelait les réunions de rédaction du matin à la Repubblica “la messa cantata” à cause des leurs rites très stricts ; on en sortait en sachant avoir appris beaucoup, comme si on avait assisté tous les jours à un cours universitaire de bonne qualité et nous, les correspondants, étions envieux des rédacteurs qui y prenaient place. Tout le monde pouvait participer, du chauffeur aux secrétaires. Aujourd’hui ces temps n’existent plus, ce qui reste est la conscience d’un moment où l’Italie a fait un saut dans la modernité et la consciences de citoyenneté. La Repubblica a été un instrument important dans ce processus.
NdlR : Parmi les livres de VAnna Vannuccini, on peut citer
- Piccolo viaggio nell’anima tedesca (con Francesca Predazzi, 2004 ;nuova edizione in Ue : 2014, tduit chez Grasset en 2007 : Petit voyage dans l’âme allemande. Francesca Pedrazzi .
- Al di qua del muro. Berlino 1989 (Feltrinelli, 2010)
- Rosa è il colore della Persia. Il sogno perduto di una democrazia islamica (Feltrinelli, 2006)
- Suonare il rock a Teheran (con Benedetta Gentile ; Feltrinelli Kids, 2014)].
- Cronache dal nuovo mondo. Le parole della nostra identità perduta Condividi
di Vanna Vannuccini (Autore) Francesca Predazzi (Autore) Mondadori, 2020.