Le processus de paix israélo-palestinien peut-il renaître de ses cendres après tant d’espoirs déçus, tant de tentatives avortées ? Lorsque Barack Obama, il y a quelques mois à peine, a évoqué en Israël la perspective d’une reprise du dialogue entre l’Etat hébreu et l’Autorité palestinienne, ses déclarations ont été accueillies avec beaucoup de scepticisme. Le président américain, qui avait échoué pendant son premier mandat à débloquer la situation, n’était en effet porteur, en ce début de second mandat, d’aucun plan de paix susceptible de relancer les pourparlers.
Face à deux interlocuteurs également intransigeants, l’un, Benyamin Nétanyahou, par conviction, au lendemain d’une nouvelle victoire électorale, l’autre, Mahmoud Abbas, par impuissance, en raison des divisions de son camp, les Etats-Unis semblaient démunis. Faute de propositions concrètes, les bonnes paroles de Barack Obama en faveur d’un Etat palestinien paraissaient sans consistance – et cela d’autant plus que l’hôte de la Maison Blanche refusait de s’impliquer personnellement, comme l’avait fait naguère Bill Clinton, dans la recherche d’une solution, laissant à son secrétaire d’Etat, John Kerry, ancien candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis, le soin d’agir.
Celui-ci s’est engagé dans sa tâche avec une énergie et une détermination exceptionnelles. Le voilà peut-être, à la surprise générale, récompensé de ses efforts : au terme de six navettes dans la région et de cinq mois de difficiles tractations avec les uns et les autres, le secrétaire d’Etat américain a pu annoncer la conclusion d’un accord pour « une reprise des négociations directes » entre Israéliens et Palestiniens. Le contenu précis de l’accord, arraché à la dernière minute alors qu’on semblait près de l’échec, n’est pas connu. Les discussions devraient s’ouvrir cette semaine à Washington, sous l’égide de John Kerry. Aussi fragile soit-il, cet accord est une victoire pour le secrétaire d ‘Etat américain mais aussi pour tous ceux qui, dans les deux camps, plaident inlassablement pour un apaisement des tensions au prix de concessions mutuelles.
La colonisation, les frontières
Les concessions les plus importantes ont été faites par les Palestiniens. Ils demandaient le gel de la colonisation israélienne dans les territoires occupés et la référence aux frontières de 1967 comme base de la négociation. Ils n’ont obtenu aucun engagement explicite sur ces deux points. En revanche, Israël leur a promis de libérer plusieurs centaines de prisonniers palestiniens. Mahmoud Abbas considère cette promesse comme un grand succès. Mais il n’a convaincu ni le Hamas, qui conteste sa légitimité, ni même une partie de ses amis du Fatah et de l’OLP, qui lui reprochent d’avoir déjà trop cédé aux Israéliens. Ces critiques compliquent la position du dirigeant palestinien.
Du côté israélien, Benyamin Nétanyahou doit également compter avec ses ultras, qui refusent d’envisager la création d’un Etat palestinien et qui rejettent tout arrêt de la colonisation. Le premier ministre israélien aurait consenti, sans le dire, à un gel provisoire des constructions en Cisjordanie. Il aurait également accepté officieusement que les Etats-Unis prennent tacitement pour référence les frontières de 1967. Ces non-dits, à l’évidence, relativisent la portée de l’accord et rendent son application malaisée.
Beaucoup d’incertitudes demeurent donc sur cette première phase des pourparlers, qui pourrait durer neuf mois. C’est Saab Erakat, un habitué des négociations israélo-palestiniennes, qui représentera les Palestiniens et c’est Tzipi Livni, ministre de la justice, ancienne ministre des affaires étrangères, qui conduira la délégation israélienne. Les chances de succès, il est vrai, sont faibles, aucune des deux parties ne disposant d’une grande marge de manœuvre.
Il appartiendra à John Kerry de trouver les moyens de forcer les uns et les autres à évoluer pour que leur dialogue soit autre chose que la confrontation de deux discours parallèles. Il sera sans doute nécessaire que Barack Obama s’engage à son tour sérieusement, le moment venu, dans la négociation. Au moment où les « printemps arabes » bouleversent la donne au Proche-Orient, une petite lueur d’espérance surgit du côté où on ne l’attendait pas.