La question n’est pas de savoir si l’Allemagne approuvera le plan de sauvetage de la Grèce et de l’euro. Elle est de savoir quelle sera la majorité au Bundestag qui soutiendra la politique d’Angela Merkel. Lors d’un vote test dans le groupe parlementaire chrétien-démocrate CDU-CSU, il a manqué vingt cinq voix, plus que la marge de sécurité dont dispose la chancelière. En séance plénière, Angela Merkel peut compter sur le soutien, en séance plénière, des partis d’opposition, sociaux-démocrates et Verts. L’approbation est donc assurée quoi qu’il arrive.
Toutefois, si le gouvernement ne pouvait pas compter sur sa propre majorité dans un scrutin crucial, ce serait un tremblement de terre politique en Allemagne. L’avenir de la coalition serait compromis et la chancelière n’aurait pas d’autre choix, à court terme, que de convoquer des élections anticipées. En principe, la législature doit durer jusqu’en 2013. C’est pourquoi Angela Merkel s’est battue ces dernières semaines pour rassurer à la fois les partisans de l’Europe et les eurosceptiques de son propre camp, ceux qui, comme les libéraux ou les chrétiens-sociaux bavarois, estiment que l’Allemagne a déjà trop payé pour les Etats laxistes, en particulier pour la Grèce.
Paradoxalement, les échecs électoraux de ces derniers mois la servent. Le plus éclatant est la perte du Bade-Wurtemberg, fin mars, un fief chrétien-démocrate depuis un demi-siècle qui est devenu le premier Land de RFA dirigé par un ministre-président écologiste.
La principale victime de l’impopularité du gouvernement est le petit parti libéral (FDP). Après avoir réalisé son meilleur score national aux élections de 2009, avec près de 15% des suffrages, le FDP a sombré dans tous les scrutins régionaux. Il a disparu des plusieurs parlements où il était représenté et les sondages le créditent, nationalement, de moins de 5% des intentions de vote, ce qui l’exclurait du Bundestag. Il a changé de président au printemps, troquant le ministre des affaires étrangères Guido Westerwelle contre le ministre de l’économie, Philip Rössler mais il n’a pas gagné en popularité.
Personne n’a intérêt à des élections anticipées. Les libéraux parce qu’ils sont menacés de disparition, les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel parce qu’ils risquent de se retrouver sans alliés. Personne ne veut d’une nouvelle grande coalition entre la CDU-CSU et le SPD, comme entre 2005 et 2009. Et les Verts, qui ont le vent en poupe, préfèrent un accord avec les sociaux-démocrates, même si Angela Merkel a fait un grand pas vers eux, en décidant la sortie du nucléaire à la suite de l’accident de Fukushima quelques mois après avoir annoncé la prolongation des centrales allemandes.
Malgré les difficultés, la coalition devrait donc aller à son terme. Depuis qu’elle a pris les rênes de la démocratie-chrétienne, Angela Merkel s’est ingéniée à éliminer les uns après les autres tous les dirigeants de son parti qui auraient été en mesure de contester sa présidence. Ses adversaires lui reprochent d’avoir passé plus de temps à consolider son pouvoir qu’à développer une vision politique cohérente. Mais c’est aussi à ce prix qu’elle apparait sur la scène internationale comme la femme la plus puissante du monde. Une puissance contestée dans son propre pays.