Viktor Orban n’y va pas par quatre chemins. Même si devant un auditoire étranger il évite les outrances et sait même faire preuve de sens de l’humour, son discours est sans équivoque : la Hongrie a traversé une période d’abaissement et de décadence, qu’il fait remonter implicitement à 1918, la fin de la Première guerre mondiale qui devait déboucher deux ans plus tard sur le traité de Trianon et l’amputation d’une grande partie du territoire hongrois.
Sans entrer dans les détails de l’histoire, le premier ministre passe vite à la période récente. Une croissance économique plus faible après l’adhésion à l’Union européenne, en 2004, qu’avant, une baisse du niveau de vie et une augmentation du chômage. Trois millions de Hongrois sur 10 vivent au-dessous du seuil de pauvreté, dit-il. Si son parti et ses alliés ont obtenu cette majorité des deux tiers au Parlement, qui leur permet de changer la Constitution et, selon ses adversaires rogner les libertés publiques, c’est parce que la population était « en colère ». « On attend de nous que nous mettions fin à cette décadence », déclare Viktor Orban, qui ajoute : en quatre mois la Hongrie a trouvé une issue à sa situation de faillite.
Le FMI à la porte
Le chef du gouvernement de Budapest donne un petit coup de chapeau au Fond monétaire international, « pour ce qu’il a fait dans le passé » mais se félicite par ailleurs de s’être « libéré de l’emprise » de l’organisation international. Il se passe de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, de ses conseils et de son aide. Il ne compte que sur le marché et les réformes intérieures pour remédier à l’endettement que lui a légué les gouvernements précédents : réforme des retraites, de l’administration, de la Constitution, réduction du nombre des fonctionnaires et nombre d’élus nationaux et locaux divisé par deux...
La présidence de l’UE
Pour sa présidence de l’Union européenne, la Hongrie avait un agenda original. Elle voulait insister sur la diversité culturelle, sur la question de l’eau et sur la coopération danubienne. Viktor Orban avoue qu’il a remis ses idées « dans les tiroirs », conscient que les Européens ont aujourd’hui d’autres préoccupations. Il veut cependant insister sur la poursuite de l’élargissement, notamment en direction de Zagreb. Sans la Croatie, les perspectives d’adhésion des Etats balkaniques diminuent et sans perspectives d’adhésion, la crise est inévitable dans les Balkans occidentaux.
Sur la question de l’élargissement de la zone Schengen à la Bulgarie et la Roumanie, il n’est pas loin de partager la position française : en principe, il est pour mais il n’ignore pas les réticences de plusieurs Etats membres face aux difficultés liées à la surveillance des frontières extérieures de l’Union.
Viktor Orban a énoncé quelques objectifs :
- convaincre ses partenaires de limiter la modification du traité de Lisbonne décidée lors du dernier Conseil européen pour améliorer la gouvernance économique de l’UE « à deux phrases », afin de ne pas ouvrir la boîte de Pandore de la réforme des traités ;
- ne pas lier les sujets les uns aux autres, c’est-à-dire renoncer à des « paquets » qui risqueraient de bloquer toute décision ;
- ne pas fixer a priori un plafond aux dépenses budgétaires européennes comme le souhaitent les Britanniques pour les perspectives financières 2014-2020 ;
Il a d’autre mis en garde les pays qui seraient tentés de passer un accord stratégique avec la Russie sans tenir compte de la situation de l’Europe centrale. Il a demandé des garanties, concernant la pérennité de l’article 5 de l’OTAN sur la sécurité mutuelle, une politique énergétique tournée vers la diversification des sources d’approvisionnement (la Hongrie achète 80% de son gaz à la Russie), l’accès au marché russe et le respect par Moscou de l’indépendance de l’Ukraine, test de la volonté russe de ne pas recréer des sphères d’influence.