Analystes et commentateurs devront revoir leur copie. Barack Obama a une ligne politique bien définie au Proche-Orient et il ne compte pas y déroger. C’est le sens de l’entretien accordé à Jeffrey Goldberg et publié le jeudi 21 mai par The Atlantic.
La rencontre a eu lieu le lendemain de la conquête de la ville irakienne de Ramadi par Daech et la veille de la prise de Palmyre. « C’est une retraite tactique. Ramadi était insuffisamment protégée par des forces de sécurité que nous n’avions pas encore formées. Si les Irakiens n’ont pas la volonté de se défendre, nous ne pouvons pas le faire à leur place », affirme le président des Etats-Unis.
Concernant les informations publiées dans la presse sur la volonté de l’Arabie saoudite, de l’Egypte et de la Turquie de se doter d’installations nucléaires aussi puissantes que les iraniennes, Barack Obama met en doute ces informations « non-officielles », précisant que le parapluie militaire américain à ces trois pays offre une protection plus importante.
Le président des Etats-Unis souligne également le danger des missiles balistiques de l’Iran et l’expansionnisme iranien au Yémen et au Liban à travers les brigades al Quds des Gardiens de la révolution, les Pasdarans. Il affirme que la levée des sanctions aura pour effet de réduire le monopole économique que se sont arrogés les Pasdarans ce qui, selon lui, aura pour conséquence d’affaiblir leur pouvoir.
La sécurité d’Israël ne passe pas par le statu quo
Concernant Israël, Barack Obama, fort de l’appui de 70 % de l’électorat juif américain, affirme que la coopération israélo-américaine pour les aspects militaires et le renseignement se poursuivra « pour toujours ». Il souligne que les positions politiques qui visent à marginaliser les Arabes israéliens sont contraires à la déclaration d’indépendance d’Israël.
Abordant la question de la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, le président des Etats-Unis se dit convaincu que c’est la seule solution qui puisse assurer la sécurité de l’Etat hébreu. « Ce n’est pas le statu quo actuel qui assurera la sécurité d’Israël », martèle-t-il, assurant qu’Israël restera composé majoritairement de juifs.
« Je voudrais qu’Israël, comme les Etats-Unis, intègre les valeurs universelles qui ont mis fin à l’esclavage, à la ségrégation raciale ou au mur de Berlin », déclare encore Barack Obama. « Ce sont des valeurs exemplaires pour les Etats-Unis et également pour Israël et les traditions juives. J’ai l’intention de me battre pour ces valeurs. » Sous-entendu, elles ne sont pas toujours respectées aux Etats-Unis mais aussi en Israël.
Un intérêt personnel à un accord avec l’Iran
Cet entretien donné à Jeffrey Goldberg dans le Bureau ovale de la Maison Blanche a précédé le discours que Barack Obama a prononcé, le vendredi 22 mai, dans une synagogue réputée pour son traditionalisme et qui compte parmi ses fidèles le journaliste du site The Atlantic.
Dans ce discours, il souligne sa priorité à finaliser un accord avec l’Iran sur le nucléaire et son attachement à préserver les relations privilégiées avec Israël et garantir sa sécurité dans un Proche-Orient qui se trouve en plein « chaos », pour reprendre son expression.
Après avoir tenté de rassurer ses alliés arabes du Conseil de coopération du Golfe en les recevant, le mercredi 13 et le jeudi 14 mai à la Maison Blanche et à Camp David, Barack Obama précise dans l’entretien à The Atlantic sa stratégie vis-à-vis de l’Iran : un accord facilitera l’inclusion de ce pays dans le jeu politique proche-oriental, lui offrira une ouverture économique et diminuera ses velléités expansionnistes. Bref, lui donnera des responsabilités. Pour Barack Obama, il y a un enjeu personnel : « Regardez, dans vingt ans, je serai encore de ce monde, si Dieu le veut. Si l’Iran a l’arme atomique, j’en serai responsable » , dit-il à Jeffrey Goldberg, dans une allusion à la négociation actuelle entre les grandes puissances et Téhéran. « Je pense qu’il est honnête de dire qu’en plus de notre profond intérêt national, j’ai un intérêt personnel » à un accord .
Quant au gouvernement irakien, il devra assumer ses responsabilités pour combattre l’organisation « Etat islamique » et inclure les populations sunnites dans son combat. Pour Barack Obama, la coalition fait son travail et il n’est pas question d’envoyer des troupes au sol. Il donne l’exemple de la coordination faite avec les Kurdes pour reprendre la ville de Kobané.
Un engagement dans la durée
Aucun mot n’a été prononcé sur la Syrie, alors qu’a été évoquée l’action du Hezbollah libanais comme bras armé de l’Iran pouvant menacer Israël.
Si cet entretien n’apporte rien de bien nouveau sur la politique de Washington au Proche-Orient, il est intéressant dans ce sens qu’il remet les pendules à l’heure après la tempête qui a secoué cette région ces dernières semaines.
Non, la politique de la Maison Blanche ne se fait pas au jour le jour, comme le prétendait récemment, amer, l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates. Oui, le président des Etats-Unis est confiant dans la pertinence de sa stratégie et il parle pour la durée : « Je m’engage pour vingt ans. »
Barack Obama a un discours très argumenté, il connaît bien ses dossiers et se trouve en contact permanent avec ses généraux sur le terrain.
Nul doute que lorsque le « Commander-in-chief » définit la ligne, ses alliés sont tenus de le suivre. Quant à ses adversaires, ils auront une idée de sa détermination.
Mais une politique se juge aussi à ses résultats.