On ne connaît pas encore la date du référendum britannique sur le maintien, ou non, du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne mais on connaît mieux les arguments dont entend user David Cameron pour convaincre ses partenaires européens d’accepter une réforme des institutions communautaires. L’ambassadeur britannique à Paris, Sir Peter Ricketts, en poste depuis janvier 2012, a présenté, lundi 12 octobre, à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) la façon dont le premier ministre britannique aborde cette difficile question, qui bouleverse à la fois la vie politique de son pays et ses relations avec les gouvernements des autres Etats membres.
Face à « l’impopularité montante » de l’UE au Royaume-Uni, face à « l’incompréhension de l’aventure européenne » que manifeste l’opinion publique et à son « impatience d’une nouvelle consultation », quarante ans après celle de 1975, il faut, selon le diplomate, donner la parole au peuple avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire avant que le rejet de l’Europe ne devienne majoritaire en Grande-Bretagne.
Prendre les devants
En prenant le sujet « à bras-le-corps », explique-t-il, David Cameron a choisi la voie la plus efficace pour obtenir que le Royaume-Uni reste dans l’Union. Il s’agit pour lui d’éviter, au terme d’un débat « loyal et démocratique », une « majorité de refus ». Le moment venu, le gouvernement fera campagne pour le oui à l’Europe. En cas de succès, ce sera un « soulagement » pour l’UE d’en avoir fini avec la « question britannique ». La méthode est la même, explique l’ambassadeur, que celle qu’a appliquée David Cameron en Ecosse.
Pour trancher la question de l’indépendance, le premier ministre a pris le risque d’organiser, le 18 septembre 2014, un référendum, qui a donné une nette majorité au non. L’audace a donc été payante. Les indépendantistes écossais, mis au pied du mur, n’ont pas réussi à rallier un nombre suffisant de suffrages. Le pari de David Cameron est qu’une majorité d’électeurs, appelés à trancher par les urnes le problème controversé de l’appartenance à l’UE, refuseront, au moment décisif, de franchir le pas et de donner la victoire aux europhobes.
Quatre domaines de réforme
Pour que les Britanniques fassent le choix de rester dans l’Union, le premier ministre demande aux dirigeants européens de modifier quelques-unes des dispositions auxquelles sont soumis les Etats membres afin d’améliorer le fonctionnement des institutions et de rassurer ceux qui les jugent trop contraignantes. « Nous avons besoin de réformes réelles pour convaincre le peuple », affirme l’ambassadeur. Ces réformes concernent, dit-il, quatre domaines.
Le premier est celui de la compétitivité : il faut « réglementer moins mais mieux » pour exploiter les gisements de croissance dans l’énergie, le numérique ou les services. Le deuxième est celui de la gouvernance : Londres souhaite une meilleure articulation entre les pays de la zone euro et ceux qui ne veulent pas en faire partie sans perdre la possibilité de se faire entendre. Le troisième domaine est celui de la souveraineté : le Royaume-Uni refuse la perspective d’une « union toujours plus étroite » et demande un droit de contrôle des Parlements nationaux. Le dernier point concerne l’immigration et « l’abus des allocations sociales » accordées aux migrants.
Des discussions sont en cours sur ces quatre dossiers, indique l’ambassadeur. Le Royaume-Uni, ajoute-t-il, ne cherche pas à obtenir des avantages particuliers, comme on le lui reproche quelquefois, mais à « clarifier » le système européen au bénéfice de tous. Un consensus est possible entre le Royaume-Uni et ses partenaires, à condition que ce soit « un consensus dans la diversité » qui permette des « approches différenciées » et refuse toute « uniformité ».
« On vote rarement avec la raison »
La question est de savoir si les changements obtenus par David Cameron suffiront à rallier les eurosceptiques à la cause européenne. Répondant à Sir Peter Ricketts, Valérie Rabault, députée socialiste, présidente du groupe d’amitié France-Royaume-Uni, ne cache pas son inquiétude. Elle redoute d’abord un « brouillage des cartes » au Royaume-Uni et un « éclatement » de la vie politique « au-delà des clivages traditionnels », le nouveau chef du Labour, Jeremy Corbyn, lui paraissant lui-même plutôt eurosceptique. Elle juge qu’une sortie du Royaume-Uni de l’UE serait, sinon la porte ouverte à une désintégration de l’Europe, au moins « le signal que cette désintégration est possible ». Selon elle, une telle issue serait dangereuse, le Royaume-Uni étant « un vrai pôle stabilisateur » en Europe.
La députée française estime raisonnables les demandes de Londres mais, dit-elle, « on vote rarement avec la raison ». Au-delà de l’analyse rationnelle, un « coup de cœur » est nécessaire. Conclusion de l’ambassadeur : les Britanniques n’ont jamais eu de coup de cœur pour l’Europe, à la différence des Français et des Allemands, dont l’histoire est différente, mais ils souhaiteront peut-être rester dans l’Union européenne au nom de leur traditionnel « pragmatisme ».