Contradictions du socialisme en période de crise

Le Parti socialiste européen et la Fondation pour les études progressistes qui en est l’émanation ont organisé, jeudi 2 et vendredi 3 avril à Bruxelles, dans les locaux du Parlement européen, un grand forum consacré à la crise économique et aux réponses que le socialisme démocratique pouvait y apporter à l’échelle mondiale. L’orateur principal était l’ancien président américain Bill Clinton.

La mouvance progressiste et en particulier les partis du socialisme démocratique en Europe se débattent dans plusieurs contradictions. La première est un paradoxe : alors que les idées traditionnelles de la social-démocratie comme les critiques que celles-ci a opposées au capitalisme mondialisé au cours des dernières années sont plutôt confirmées par la crise financière et économique actuelle, les sociaux-démocrates sont difficilement audibles, soit parce que dans certains pays, ils ne représentent pas une force politique avec laquelle il faut compter, soit parce qu’ils ne parviennent pas à mettre en valeur la pertinence de leurs arguments, soit encore parce que le centre-droit a fait siennes nombre de leurs propositions.

Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), constate que les idées progressistes ont le vent en poupe à cause de la crise économique. Les questions d’environnement, de développement durable, de lutte contre la pauvreté, d’internationalisme sont des concepts « progressistes ». Pour autant, a-t-il ajouté, il ne faut pas se faire d’illusions : les combats politiques n’ont pas lieu au niveau du G20. Ils restent des combats nationaux. La politique et les élections restent locales et c’est à ce niveau que les forces progressistes dans le monde doivent se battre.

La deuxième contradiction a été soulignée à plusieurs reprises dans les débats du forum : quand ils ont été au pouvoir au cours des dernières années, les socialistes ont souvent adopté et mis en œuvre les politiques néolibérales qu’ils dénoncent aujourd’hui. Ils seraient plus crédibles s’ils avaient essayé d’appliquer une autre politique alors qu’ils assumaient des responsabilités.

 

Bill Clinton a dénoncé un monde « inégal, instable et précaire ». Il s’est déclaré convaincu que le meilleur moyen de lutter à court terme contre la crise était de répondre aux défis à long terme du réchauffement climatique, de la lutte contre la pauvreté et des inégalités. Cette brillante démonstration lui a attiré cette remarque du directeur de American Prospect, la revue de la nouvelle gauche : « C’est dommage que ce gars n’est pas été président des Etats-Unis ! »

La troisième contradiction, qui est plus exactement un défi, consiste à inventer un nouveau mode de développement pour la période de l’après-crise. Les sociaux-démocrates affirment en effet qu’il ne s’agit pas de soigner les conséquences négatives de la récession pour revenir au statu quo ante. « Ce serait notre défaite », ont-ils proclamé quasi-unanimement. Il convient au contraire, selon eux, d’en profiter pour réformer le capitalisme afin que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Une réforme qui ne sera pas forcément radicale : Pascal Lamy explique par exemple que le libre-échange et la régulation sont parfaitement compatibles. Le premier suppose que tous les acteurs, locaux ou étrangers, sont simplement traités de la même manière, sans discrimination. La liberté des échanges commerciaux, pour laquelle il plaide, peut donc parfaitement coexister avec une régulation des transactions financières au niveau national ou international.

Pour pouvoir réformer le capitalisme, deux conditions au moins sont requises. D’une part, les partisans du socialisme démocratique doivent être en position de pouvoir appliquer une autre politique. Autrement dit, ils doivent gagner les élections. Or ils ne tirent en général aucun profit politique de la crise. Peut-être parce qu’ils se sont compromis avec la pensée ultralibérale ou parce que dans les périodes difficiles, la majorité des électeurs a tendance à craindre les aventures et à faire confiance aux conservateurs. D’autre part, les socialistes devraient avoir des propositions originales à formuler. Or force est de constater qu’en dehors de quelques idées générales au demeurant sympathiques, ils ont du mal à proposer des solutions concrètes. Les élections européennes du mois de juin seraient une bonne occasion pour les socialistes de faire entendre leur différence. Il n’est pas sûr qu’ils y parviennent.

Pascal Lamy a expliqué au cours de ce forum que le libre-échange et la régulation étaient parfaitement compatibles. Le premier suppose que tous les acteurs, locaux ou étrangers, sont simplement traités de la même manière, sans discrimination. La liberté des échanges commerciaux, pour laquelle il plaide, peut donc parfaitement coexister avec une régulation des transactions financières au niveau national ou international.