Une fois de plus, les initiatives législatives du gouvernement hongrois mettent à l’épreuve les principes démocratiques de l’Union européenne, alourdissant le contentieux politique qui oppose Budapest à Bruxelles. Ce contentieux est né de l’adoption par la Hongrie d’une nouvelle Constitution, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, dont plusieurs dispositions importantes ont été jugées, par les autorités européennes comme par l’opposition hongroise, attentatoires à l’Etat de droit et, en particulier, à la séparation des pouvoirs.
Les articles contestés ont en commun de renforcer les prérogatives de l’exécutif en limitant celles du Parlement (par la multiplication de lois organiques qui ne peuvent être révisées qu’à une majorité des deux tiers), de la Cour constitutionnelle, de la Banque centrale, des juges, des médias, bref de tous les contre-pouvoirs censés protéger les citoyens contre les abus de pouvoir. Une nouvelle modification de la Constitution – la quatrième – vient de raviver la polémique entre le gouvernement de Viktor Orban et l’Union européenne.
Les compétences de la Cour constitutionnelle sont encore diminuées tandis que l’âge de la retraite est abaissé à 65 ans pour les juges afin de permettre un renouvellement de la hiérarchie. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorjorn Jagland, ont exprimé l’inquiétude que leur inspire des mesures mettant en cause, selon eux, « le principe de la primauté du droit », le droit de l’Union européenne et les normes du Conseil de l’Europe.
Face à d’éventuelles violations des règles démocratiques par un Etat membre, les institutions européennes ont peu de moyens d’action. Elles pourraient, en théorie, appliquer l’article 7 du traité de l’Union européenne qui autorise la suspension de certains des droits de l’Etat membre en question, y compris ses droits de vote au sein du Conseil, en cas de « violation grave et persistante » des valeurs sur lesquelles est fondée l’Union européenne, c’est-à-dire, parmi d’autres, la démocratie et l’Etat de droit. Toutefois, cette procédure, d’une particulière sévérité, a été conçue pour faire face à de situations exceptionnelles qui se traduiraient par le renversement des institutions démocratiques. Quels que soient ses excès et ses provocations, Viktor Orban n’a pas transformé la Hongrie en dictature.
En 2000, des sanctions ont été prises contre l’Autriche après l’entrée d’un parti d’extrême-droite au gouvernement, mais elles ne se réclamaient pas de l’article 7 du traité et se limitaient, pour l’essentiel, à une suspension des contacts bilatéraux officiels entre ce pays et les autres Etats membres, l’Union européenne ne s’estimant pas impliquée en tant que telle. Ces mesures symboliques avaient été levées au bout de quelques mois, le gouvernement autrichien ayant prouvé qu’en dépit de la présence de l’extrême-droite il respectait la démocratie.
A l’égard de la Hongrie, des procédures d’infraction à la législation européenne ont été engagées par la Commission au lendemain de l’adoption de la nouvelle Constitution. Elles portaient sur les atteintes à l’indépendance de la Banque centrale, de l’Autorité de protection des données et du système judiciaire. En réponse à ces mises en demeure, Viktor Orban a accepté certaines modifications du texte. Toutefois plusieurs Etats membres ne se satisfont pas de ces concessions et, face aux nouvelles réformes proposées par le gouvernement et votées le 11 mars par le Parlement hongrois, ils demandent la mise en place d’un mécanisme européen de sauvegarde des valeurs fondamentales qui pourrait permettre d’imposer des pénalités financières aux Etats récalcitrants. L’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas ont pris la tête de ce combat. La Commission, pour sa part, a menacé une fois de plus de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois les Vingt Sept restent divisés sur d’éventuelles sanctions à l’égard de la Hongrie.