Le dernier rapport de l’AIEA , l’Agence internationale de l’énergie atomique, soupçonne l’Iran de travailler à la réalisation d’ogives nucléaires. De son côté, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a déclaré que ce pays se dirigeait vers « une dictature militaire ». Après les dernières déclarations de Mahmoud Ahmadinejad, affirmant que l’Iran était en mesure de produire de l’uranium enrichi à 20%, les partisans du maintien, voire du durcissement des sanctions contre Téhéran, ont gagné du terrain au Conseil de sécurité de l’ONU. L’idée serait maintenant de maintenir le régime existant – suffisamment vague, en tout cas, pour s’assurer de la collaboration de la Russie, hostile à toute ligne dure, et de l’abstention de la Chine - tout en laissant aux Etats-Unis et à l’Union européenne la possibilité de recourir à des sanctions plus incisives.
Des sanctions à la carte
L’Union européenne prépare en effet un arsenal de sanctions sévères dans les domaines de l’énergie et des activités financières, qui, pour la première fois, cible l’économie iranienne dans son ensemble, avec un impact dramatique sur la vie du pays. Deuxième producteur de pétrole au sein de l’OPEP, l’Iran détient 16% des réserves mondiales prouvées de gaz et 11% des réserves de pétrole. Il réalise 80% de ses recettes à l’exportation avec le pétrole et le gaz, et a le plus grand besoin des capitaux internationaux pour entretenir et développer ses infrastructures industrielles, particulièrement les raffineries, et exploiter de nouveaux gisements. Les sanctions financières bloqueraient les importations de carburants raffinés, ce qui paralyserait les transports, écarterait la banque centrale iranienne du marché mondial des crédits et des capitaux, et empêcherait les virements transfrontaliers.
Les Européens ont besoin de l’aval du Conseil de sécurité pour garantir la légitimité des sanctions envisagées. Il leur faut pour cela l’appui des membres permanents qui ont un droit de veto et des membres non permanents, car la majorité de neuf voix doit être atteinte. Le Brésil, la Turquie et les Etats du Golfe siègent actuellement au Conseil. La Russie a prévenu qu’elle s’opposerait à des sanctions « écrasantes » susceptibles d’étouffer l’Iran. Selon elle, les sanctions doivent seulement viser à renforcer le régime de non prolifération éventuellement contredit par le programme nucléaire iranien. Au début du mois, les Russes avaient, pour la première fois, émis des doutes sérieux sur la véritable nature des activités nucléaires de l’Iran, alors que jusqu’à maintenant ils affirmaient n’avoir pas de preuve des objectifs militaires iraniens. Mais la décision revient à Vladimir Poutine qui reste peu loquace sur la question. Les échanges commerciaux russo-iraniens sont conséquents (3 milliards de dollars par an). Toutefois Moscou a entendu les appels du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour ne pas livrer à Téhéran des systèmes anti-missiles S-300 qui pourraient protéger les installations nucléaires iraniennes contre de possibles frappes israéliennes ou américaines et déstabiliseraient la région. En tous cas, le Kremlin a ajourné la livraison de ces missiles.
D’autre part, le gouverneur de la Banque d’Israël, Stanley Fisher, s’est rendu à Pékin le 24 février pour exhorter la Chine à soutenir des sanctions sévères contre l’Iran, seule alternative à une action militaire. Pékin continue de plaider pour résoudre la question iranienne par les voies diplomatiques. Deuxième acheteur mondial de pétrole, la Chine considère l’Iran comme un partenaire commercial et un acteur stratégique majeur au Moyen-Orient. Les autres membres du Conseil de sécurité espèrent que Pékin se résoudra à choisir la solidarité avec la communauté internationale, fut-ce aux dépens de ses liens avec l’Iran.
Rapprochement entre l’Iran et la Syrie
Pendant ce temps, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, cherche à s’attacher des soutiens dans la région. A Damas, il a affiché son entente avec son collègue syrien Bachar el Assad, en signant, le 25 février, un accord supprimant les visas entre leurs deux pays. Le deux présidents en ont profité pour railler les propos d’Hillary Clinton qui, lors d’une intervention au Sénat, a demandé à la Syrie de « commencer à prendre ses distances avec l’Iran » et de cesser de soutenir le mouvement chiite libanais du Hezbollah. La secrétaire d’Etat américaine a comparé, le même jour devant la Chambre des Représentants, la controverse sur le nucléaire iranien à la crise des fusées de Cuba en 1962, marquant ainsi la détermination des Etats-Unis à faire plier le régime de Téhéran. Signe de ce durcissement : le bruit court à Washington que l’administration Obama pourrait décider de classer la banque centrale iranienne comme entité terroriste.