David Cameron a gagné son pari. Le chef du Parti conservateur, dont beaucoup annonçaient la défaite aux élections législatives du 7 mai face à la double concurrence des travaillistes sur sa gauche et des anti-européens sur sa droite, vient de remporter une large victoire qui consacre le succès de sa politique depuis son arrivée au pouvoir il y a cinq ans. Pour répondre aux critiques de son rival travailliste, Ed Miliband, sur la situation économique du pays, il a pu mettre en avant le dynamisme d’une croissance retrouvée, en hausse de 2,8% en 2014, et la baisse du taux de chômage, descendu à 5,6%, malgré la multiplication des emplois précaires et mal rémunérés. Pour contrer les attaques de son adversaire anti-européen, Nigel Farage, chef du Parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), il a choisi de donner, le moment venu, la parole au peuple en annonçant, s’il était réélu, l’organisation d’un référendum sur le maintien, ou non, du pays dans l’Union européenne après renégociation des traités avec ses partenaires européens.
Echec pour Miliband et pour Farage
Cette stratégie s’est révélée payante. En dépit d’une bonne campagne, Ed Miliband, affaibli par la percée des indépendantistes écossais, qui obtiennent en Ecosse la quasi-totalité des sièges, n’est pas parvenu à convaincre les électeurs que sa volonté de faire payer les riches et de mieux réguler les marchés était de nature à faire reculer les inégalités. Quant à Nigel Farage, dont le parti n’enlève qu’un siège, il a échoué dans sa tentative de supplanter les conservateurs auprès de ceux qui veulent rompre avec l’Union européenne et qu’a rassurés la promesse d’une prochaine consultation populaire. David Cameron n’aura même pas besoin, comme il le redoutait, d’engager des tractations avec d’autres partis pour former le nouveau gouvernement. Il pourra même se passer de l’appoint des libéraux-démocrates, ses alliés dans la coalition sortante, qui subissent une lourde défaite dans les urnes.
La question européenne n’a pas été au centre de la campagne. La perspective d’un référendum avant 2017 a, en quelque sorte, désamorcé le débat que ni David Cameron ni Ed Miliband n’ont souhaité alimenter. Soucieux de se distinguer de l’europhobie du parti de Nigel Farage, le chef du Parti conservateur a estimé en avoir assez fait en annonçant que le peuple serait consulté. Hostile à une telle consultation, le chef du Parti travailliste est resté relativement discret pour ne pas donner l’impression qu’il refusait de laisser le dernier mot aux Britanniques eux-mêmes. Désormais, la campagne achevée, le sujet va revenir au premier plan de l’agenda gouvernemental.
Le poids des eurosceptiques
David Cameron est tenu par son engagement de campagne. On ne voit pas comment le référendum pourrait ne pas avoir lieu. Même si le premier ministre ne souhaite pas personnellement que son pays sorte de l’UE, la discussion sera vive et le résultat incertain. Malgré son échec en sièges et l’échec de son leader, Nigel Farage, dans la circonscription qu’il tentait de conquérir, l’UKIP a progressé en voix, devenant, avec 12% des suffrages, le troisième parti de Grande-Bretagne. Parallèlement, le recul des Libéraux-démocrates, la formation la plus favorable à l’Europe sur l’échiquier politique britannique, confirme la persistance d’un puissant courant anti-européen, qui va faire campagne pour le Brexit (British exit) c’est-à-dire pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
David Cameron soumettra au peuple, au plus tard avant la fin de l’année 2017, le choix entre deux options : rester dans une Union européenne rénovée ou quitter les institutions européennes pour préserver la souveraineté du Royaume-Uni. Tout dépendra, bien sûr, de la rénovation que le premier ministre britannique sera capable d’obtenir de ses partenaires européens. Ceux-ci sont sans doute prêts à accepter une révision des traités qui permette d’alléger les règles communautaires auxquels sont soumis les Etats membres et de diminuer le poids de la bureaucratie bruxelloise dont beaucoup se plaignent. Mais ils refuseront de « détricoter » l’Union européenne pour faire plaisir à ceux qui la contestent et de renoncer à certains de ses principes fondamentaux comme la liberté de circulation, que mettent en cause les eurosceptiques. La difficulté sera de trouver le point d’équilibre entre les exigences de Londres, dont le gouvernement sera en butte aux fortes pressions d’une grande partie de son opinion publique, et les convictions européennes de ses partenaires, qui ne veulent pas donner le signal d’un démantèlement de l’UE.
Le défi écossais
L’autre défi, pour David Cameron, sera de répondre aux demandes des Ecossais, qui ont plébiscité le Parti national écossais (SNP) au détriment du Parti travailliste. Ce raz-de-marée électoral au bénéfice des indépendantistes va relancer les revendications d’indépendance quelques mois après le non au référendum de septembre 2014. Le premier ministre britannique, aussitôt après sa victoire, a appelé à l’unité du pays en réponse au vote écossais. Mais le référendum sur l’Union européenne pourrait donner un nouvel élan aux nationalistes écossais. La dirigeante du SNP, Nicola Sturgeon, a en effet affirmé à plusieurs reprises que, si les Britanniques décidaient de quitter l’Union européenne, les Ecossais, en majorité pro-européens, en tireraient argument pour réclamer le droit de se séparer du Royaume-Uni.