La Commission européenne a jugé que la France n’avait pas manqué aux règles qui régissent ses relations avec ses voisins européens en bloquant pendant six heures, dimanche 17 avril, à la frontière franco-italienne, un train qui transportait des immigrés tunisiens, accompagnés de manifestants. La commissaire Cecilia Malmström a accepté l’argument du ministre français de l’intérieur, Claude Guéant, selon lequel il s’agissait d’une interruption « très temporaire », dictée par un souci d’ordre public. La Commission européenne n’a pas non plus remis en cause le droit reconnu à la France de refouler, le cas échéant, une partie de ces candidats à l’entrée sur son territoire, alors même qu’ils bénéficient d’un permis de séjour délivré par les autorités italiennes et, à ce titre, en application des accords de Schengen, sont théoriquement autorisés à circuler librement dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les accords de Schengen, signés en 1985 par la France, l’Allemagne et les pays du Benelux, ont été étendus ensuite à la plupart des pays européens : ils sont appliqués par 22 Etats-membres de l’UE sur 27 (les exceptions sont la Grande-Bretagne, l’Irlande, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie) et par trois pays extérieurs (l’Islande, la Norvège et la Suisse). Ces accords ont supprimé les contrôles aux frontières intérieures de l’UE. Autrement dit, en principe, tout ressortissant étranger admis régulièrement dans un des pays de l’Union peut se rendre en toute liberté dans un autre. Selon cette disposition, les Tunisiens qui bénéficient d’un titre de séjour en Italie devraient pouvoir entrer en France sans difficultés.
Des contrôles volants
Il existe toutefois deux réserves à cette liberté. D’une part, si les contrôles systématiques aux frontières ont été supprimés par les accords de Schengen, des contrôles volants sont toujours possibles dans la zone frontalière. D’autre part, selon ces mêmes accords, il ne suffit pas aux étrangers non communautaires d’être munis d’un visa ou d’un titre de séjour en règle, il leur faut aussi, pour circuler dans l’Union, être en possession d’un passeport, justifier de ressources suffisantes pour assurer leur subsistance et disposer d’une assurance pour couvrir des frais éventuellement de soins d’urgence ou de rapatriement sanitaire (article 5 de la convention d’application). A cela s’ajoute l’obligation faite aux ressortissants des pays tiers admis dans un Etat de l’UE et désireux d’entrer dans un autre de se déclarer aux autorités compétentes de cet autre Etat.
Les accords de Schengen prévoient encore deux dispositions qui n’ont pas été invoquées à l’occasion du contentieux franco-italien mais qui pourraient l’être. L’une prévoit le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures « lorsque l’ordre public ou la sécurité l’exigent » (article 2). L’autre stipule qu’un pays peut accueillir « pour des motifs humanitaires ou d’intérêt national ou en raison d’obligations internationales » des immigrés qui ne répondent pas aux conditions requises mais que dans ce cas l’admission est limitée au pays d’accueil (articles 5 et 16).
Coopération policière
La liberté de circulation instituée par les accords de Schengen a pour contrepartie le renforcement de la coopération policière entre les Etats-membres. Celle-ci a été organisée par une série d’accords bilatéraux entre la France et ses voisins. L’accord franco-italien de 1997 a mis en place deux centres de coopération policière et douanière, l’un à Vintimille, l’autre à Modane, qui ont notamment pour mission de lutter contre l’immigration clandestine, de surveiller la zone frontalière, de prévenir les menaces à l’ordre et à la sécurité publique. La prochaine rencontre entre le président français, Nicolas Sarkozy, et le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, mardi 26 avril à Rome, doit permettre aux deux pays d’améliorer leur coopération.