C’est une force qui va. Il raconte une épopée, la sienne, celle du Brésil. Quand il est arrivé au pouvoir, il n’est pas possible de sortir d’un tel endettement, lui disaient les économistes, pas possible de freiner une telle inflation. La contrainte des données… Qu’on change les données, qu’on change de pensée, qu’on change de géopolitique, qu’on change de cartes ! Lula est faussement modeste — Je ne parle pas français, pas anglais, pas très bien portugais…Ce n’est pas bien que des personnes secondaires parlent au dernier moment, dit-il, ce devraient être François Hollande et Dilma Rousseff. — Il n’est évidemment pas du tout politiquement correct. Il pensait prendre le pouvoir par les armes, il l’a pris par la puissance du verbe.
« Narrative » personnelle héroïque et drôle
Je n’ai pas peur de la crise, pendant toute ma vie j’ai vécu dans la crise ; je viens d’un endroit où quand on ne meurt pas de faim avant cinq ans, c’est déjà un grand succès.
Le journaliste ou l’homme politique choisisse. Pas l’ouvrier. C’est pour ça que je suis devenu métallurgiste. C’est un excellent CV pour la présidence de mon pays. Et je ne devrais pas l’avoir été car… j’ai rencontré des économistes remarquables, qui me voulaient candidat, mais n’avait aucune solution. Toujours l’échec. J’ai perdu tant d’élections que le peuple pour finir a eu pitié de moi et m’a élu ! Et les autres pensaient que ce serait un échec et qu’ils pourraient revenir au pouvoir. Mais je connaissais la tâche qui m’attendait.
Ils avaient tous peur de moi. Mais ils n’ont jamais gagné autant d’argent, grimpé vers le haut et créé autant d’emplois que pendant mon gouvernement. J’espère qu’une autre fois ils voteront pour moi.
Les cartes ne sont pas bonnes ? On les change !
Les économistes me disaient toujours : non, non, non, il n’y a pas de solution pour le Brésil. Mais il fallait bien faire en sorte que le Brésil se respecte lui-même. Il fallait faire valoir l’idée que nous étions une nation importante.
Je suis allé à deux forums la même année : Porto Alegre et Davos. Je ne connaissais rien ni à l’un ni à l’autre. Mais je croyais que la politique pouvait dépasse les certitudes de l’économie ou du marxisme.
Il fallait changer la géographie politique et économique. Pendant mes deux mandats, j’ai rendu visite à tous les pays d’Amérique latine, je suis allé 33 fois en Afrique, et jusqu’à Timor Est, je ne sais pas pourquoi… Il était nécessaire de créer de nouveaux paradigmes pour la question sociale. Il ne fallait pas toujours regarder vers les Etats-Unis ou l’Europe comme s’ils allaient résoudre les problèmes presque sans solution de mon pays. Il s’agissait d’établir une logique nouvelle.
Il y a vingt ans nous pensions arriver au pouvoir par les armes. Et en Amérique latine nous y sommes tous arrivés démocratiquement. Pour la première fois de l’histoire nous avons eu une réunion avec les Caraïbes sans les Etats-Unis et sans Panama.
La question sociale
On nous apprenait qu’après avoir agrandi le gâteau on pouvait le partager. Quelques-uns l’ont mangé. Nous avons prouvé qu’il fallait d’abord distribuer pour pouvoir évoluer. Que les deux devaient progresser en même temps.
Pendant les huit ans de ma présidence, toutes les catégories sociales ont eu une augmentation réelle, pour le salaire minimum, des 2/5.
L’inflation
Quand je travaillais dans une usine, l’inflation était de 80% par mois : il fallait dépenser sa paye dans la demi-heure ! Je courais acheter tout ce qui n’était pas périssable.
Nous avons vaincu tous ces dogmes en faisant des choses simples, d’abord le nécessaire, puis le possible et finalement l’impossible. N’importe quel président qui veut réussir doit faire ce qui est évident. L’évident, c’est de prendre soin des gens et de faire ce qui doit être fait par l’Etat. Ce n’est pas cher de prendre soin des pauvres, ce qui est cher, c’est de prendre soin des riches !
Devant la crise : consommez !
Lorsque la crise est arrivée, je n’ai jamais été aussi sûr de la vaincre : une petite vague. Le peuple avait peur de ne pouvoir payer ses dettes, selon les journaux. Je suis allé à la télévision faire l’apologie de la société de consommation. J’ai dit : c’est vrai qu’il y a des signes de crise, que vous pouvez être au chômage. Mais si vous ne consommez pas, c’est ce qui arrivera. Alors achetez ce que vous pouvez, faites juste un peu de dettes, c’est la preuve que la roue de l’économie tourne. C’est la première fois que les catégories BCD ont consommé plus que les A.
Capitalisme
Jospin, je voudrais vous dire que j’ai appris une leçon : le Brésil est un pays capitaliste sans capital ni pour les entreprises ni pour les travailleurs. Nous avions déjà fait une révolution, nous avions doublé le nombre des Brésiliens qui avaient un compte en banque.
Autrefois, quand un pauvre hère passait devant une banque, on le mettait en prison, de crainte qu’il ne dévalise la banque. Maintenant, nous avons mis 17 million ( ?) de gens dans la banque ! Attention, c’est à la femme que nous avons donné la carte, l’homme en aurait profité pour boire trop de bières !
J’ai demandé pourquoi on ne prêtait pas aux pauvres : pas de garantie ! Si ! Le salaire, mais il ne faut pas que l’emprunt dépasse 30%. Mon ministre de l’économie Mantega et moi nous avons mis ainsi quelque 80 milliards de reals dans les mains des plus démunis. Et les retraités ont commencé à emprunter comme jamais. C’est une des raisons pour lesquelles l’économie brésilienne est devenue dynamique.
Institutions internationales
Nous avons découvert qu’il n’y avait pas d’institutions internationales capables de réguler les décisions étatiques. Après les réunions, chacun rentre chez soi et retourne à ses problèmes. Le FMI à l’époque imposait ses règles aux pays d’Amérique Latine. Il faut donner plus de représentativité et de démocratie aux institutions internationales. L’ONU en 1948 a pu créer l’Etat d’Israël, pourquoi ne peut-elle en 2012 créer un Etat palestinien ?
Monnaie de réserve
Pourquoi encore le dollar ? Un pays qui bat monnaie, quand il fait ses ajustements internes, ça a des effets externes. Le Brésil a beaucoup perdu sur le dollar.
Environnement
Il faut progresser davantage, le Brésil lui a réduit la déforestation en Amazonie.
L’Europe
La crise : il aurait été moins cher de résoudre cette crise à temps, ça deviendra de plus en plus cher ; le malade avait besoin d’un pansement, maintenant il va falloir l’amputer, et demain peut-être il va mourir.
Il n’est pas possible de ne plus croire à ce que vous avez créé, l’Union européenne, patrimoine démocratique de l’humanité. Elle a des défauts, pour que les hommes politiques puissent les réparer. On ne peut pas abandonner cette voie. Mais il faut des outils plus solidaires et plus participatifs. Trop de choses dépendent de l’argent. On ne peut plus faire des « ajustements », comme c’était le cas en Amérique latine. Il faut faire les choses à long terme. Au Brésil la dette n’est plus que de 35 % du PIB. Il va falloir nous inquiéter quand nous n’aurons plus de dette du tout !
Il faut que cette crise apporte de grandes décisions politiques. Il faut apprendre à vivre en crise, pour que nous apprenions à vivre autrement. Le mur s’est écroulé à Berlin et nous allons pouvoir penser différemment.
L’Afrique
J’imagine un grand programme de développement pour l’Union africaine, avec des prêts à taux réduit pour que les Africains puissent investir ce qu’il faut. Pendant la crise j’avais dit : il faut donner de l’argent à l’Argentine et au Mercosur pour financer les exportations brésiliennes. Il faut faire la même chose en Afrique
Mondialiser la politique
Tout est mondialisé sauf la politique, qui est encore liée aux intérêts électoraux de chaque pays. Voici la question : nous avons besoin de mondialiser la politique aussi Nous avons besoins de forums plus représentatifs pour que les décisions soient mises en pratique
Ne plus discuter de la crise, mais des solutions. Il est moins cher de trouver des solutions en temps de paix qu’en temps de guerre
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Que Dieu nous aide et que l’esprit de la révolution française habite tous les Français !