Le pont aérien et maritime organisé par Moscou depuis la fin du mois d’août pour soutenir le régime de Bachar el Assad augure mal d’une réelle volonté de régler la crise syrienne, malgré ce que prétend Vladimir Poutine.
Combattre le terrorisme est en effet le slogan utilisé par Bachar el Assad depuis le déclenchement de la crise syrienne en mars 2011 pour justifier la répression sanglante des opposants au régime qui manifestaient pacifiquement pour un partage du pouvoir.
Bachar el Assad ne veut toujours pas partager son pouvoir et a choisi, depuis le début, de réprimer et de massacrer son peuple, le contraignant à la fuite, à l’exil ou encore à la soumission à l’embrigadement armé.
L’initiative russe irrecevable
L’initiative de Vladimir Poutine d’inclure la Russie, les Etats-Unis, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Egypte comme parrains de la négociation a été précédée d’un afflux d’armes (28 avions, des missiles de pointe), des instructeurs militaires encadrant plus d’un millier de soldats, d’importants travaux d’infrastructures militaires sur les ports de Lattaquié et Tartous ainsi que sur l’aéroport Bassel el Assad qui jouxte ces deux villes.
Les interventions des présidents Obama et Hollande, le lundi 28 septembre, à l’occasion de l’Assemblée annuelle de l’ONU, ont souligné l’irrecevabilité de l’initiative russe. Celle-ci, même si elle peut apparaître sensée, est irréaliste et biaisée parce qu’elle procède du fait accompli et cherche à tirer parti du rapport de force alors qu’elle aurait dû être précédée d’une négociation.
A l’évidence, le maître du Kremlin veut rééditer le coup qu’il a réussi en Crimée. Sauf que la Syrie n’est pas la Crimée et le Proche-Orient ne fait pas partie de l’espace russe.
Vladimir Poutine, comme à chaque fois qu’il procède avec la brutalité dont il est coutumier, réalise un coup de maître qui séduit ses contempteurs et finit par décourager ses adversaires. C’est d’ailleurs le but recherché.
Si tous les protagonistes du conflit syrien sont d’accord pour combattre l’organisation Daech, personne ne se bat réellement sur le terrain pour faire refluer les troupes de l’ « Etat islamique » autoproclamé sur un vaste territoire amputé à la Syrie et à l’Irak.
A chaque puissance son propre agenda
L’absence de convergence entre les différentes puissances régionales et internationales par rapport à ce fléau augure mal d’une sortie de crise. Chacun poursuit son propre agenda : la Turquie d’Erdogan combat les séparatistes kurdes du PKK et du PYD syrien, l’Iran et la Russie apportent à Bachar el Assad tout le soutien nécessaire pour faire perdurer son régime, enfin les monarchies du Golfe financent des mouvements islamistes armés qui combattent le régime en se taillant des fiefs sur l’ensemble du territoire.
On estime les victimes à 250 000 morts pour une population de 23 millions d’individus dont cinq millions sont exilés et autant sont déplacés sur le territoire.
Le conflit syrien est devenu un abcès de fixation de la politique internationale et régionale sans qu’une issue apparaisse à l’horizon.
Une crise régionale
L’impasse syrienne est d’ailleurs révélatrice d’une crise profonde de l’ensemble des pays de la région : Turquie et Egypte font face à une déstabilisation armée et à une crispation du pouvoir ; l’Arabie saoudite se débat dans une crise de succession royale qui s’aggrave, à une guerre au Yémen où elle s’enlise et à de sérieux problèmes budgétaires dus à la chute du cours des hydrocarbures. L’Iran, après la signature au forceps de l’accord sur le nucléaire en juillet, va devoir faire la preuve de sa volonté d’ouverture aux investissements étrangers après la levée des sanctions internationales. Cela suppose que Téhéran cesse son ingérence dans les affaires des pays voisins qui est l’essence de sa politique expansionniste depuis de nombreuses années.
Ce tableau sombre de la situation proche-orientale est la toile de fond de la crise qui perdure en Syrie, alors que les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU sont incapables de se mettre d’accord sur un scénario de sortie de crise. Il faudrait être d’un optimisme débordant pour retirer quelque espoir de l’entretien entre Barack Obama et Vladimir Poutine en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.