Si Alexis Tsipras croyait se présenter en position de force devant ses partenaires européens après l’ampleur inattendue de la victoire du « non » au référendum du 5 juillet, il se trompait. Loin de s’améliorer sa marge de négociation s’est rétrécit, à cause à la fois de la détérioration rapide de la situation économique dans son pays et de l’agacement croissant de ses interlocuteurs, même les mieux disposés initialement à son égard. Il l’a d’ailleurs si bien compris qu’il a plutôt joué profil bas tant au cours du sommet européen que de son intervention devant le Parlement européen. Au lieu de critiquer les créanciers internationaux qui « étranglent » la Grèce, comme il le fait dans les meetings athéniens, il a reconnu que les gouvernements grecs, y compris le sien, portaient une large part de responsabilité dans la crise.
Un vote pour l’Europe
Alexis Tsipras affirme que le résultat du référendum n’est pas un vote contre l’Europe ni contre l’euro. Si l’on ajoute les voix de ceux qui ont voté « non » à l’austérité sans voter « non » à l’Europe et ceux qui ont voté « oui », il a raison. Une majorité de Grecs reste favorables à la participation de leur pays à l’Union européenne. La question est de savoir quelles conditions le gouvernement de Syriza est prêt à accepter.
Les précédentes négociations ont échoué parce qu’Alexis Tsipras ne se croyait pas assez fort politiquement pour imposer les mesures d’austérité exigées par les créanciers. Il est aujourd’hui confronté à un dilemme plus grave qu’avant le référendum : ayant obtenu des électeurs grecs un mandat pour refuser les propositions des créanciers, il doit maintenant accepter des conditions plus dures, faute de quoi la faillite de la Grèce et avec elle la sortie de l’euro seront scellées.
Il peut toujours essayé de déplacer le centre de gravité de la discussion avec ses partenaires européens. Par exemple en insistant sur la restructuration de la dette ou sur les réformes de fond qu’il se propose d’entamer « dès la semaine prochaine ». On se demande pourquoi il a attendu cinq mois pour prendre conscience que la lutte contre la corruption, le népotisme et le clientélisme était une priorité. Mais il ne gagnera pas la confiance perdue de ses pairs seulement par des promesses de réformes à long terme. Quant à la restructuration de la dette, elle serait une satisfaction symbolique pour le gouvernement grec mais elle ne changera rien à la situation présente.
Pour obtenir l’aide immédiate dont il a besoin d’urgence et avant toute négociation sur un troisième « paquet » de plusieurs dizaines de milliards d’euros, Alexis Tsipras doit prendre des mesures d’économies afin de redresser à court terme les finances publiques. Or ces décisions seront douloureuses. Quand bien même elles seraient plus justement réparties entre les classes sociales que sous les gouvernements précédents, elles n’épargneront pas les Grecs les plus modestes. Autrement dit, Alexis Tsipras risque d’être obligé d’entériner des mesures draconiennes qu’il a appelé, avec la réussite que l’on sait, ses électeurs à rejeter moins d’une semaine auparavant.
La sortie de l’euro, un agenda caché ?
A moins qu’il ne joue une autre partie. A moins qu’il ait été dès le début convaincu que la Grèce devait sortir de la zone euro, qu’elle retrouverait une marge de manœuvre plus grande en revenant à la drachme. L’aile gauche de Syriza milite depuis longtemps dans ce sens. Toutes ses palinodies qui durent depuis cinq mois n’auraient eu alors d’autre objectif que de faire porter aux autres Européens la responsabilité de la rupture.
Le chef de la gauche radicale grecque pourrait arguer qu’il a tout tenté pour arriver à une solution de compromis que ses partenaires européens ont refusée. Et que ce sont donc eux qui sont responsables du désastre économique et social qui attend la Grèce en cas de « Grexit ». Car les mesures d’austérité négociées en vain ne sont rien, aussi dures soient-elles, à côté de la baisse dramatique du niveau de vie qui attend la majorité de la population grecque si l’ultime tentative d’accord échoue.